
Amanda Piña tape sur les frontières coloniales au Kunstenfestivaldesarts
Frontera / Border – A Living Monument est un vaste projet de la chorégraphe Mexico-Chilienne Amanda Piña qui vise à dénoncer les exactions liées aux frontières réelles et symboliques entre le Mexique et les États-Unis. La pièce se donne au Kunsten dans le joli jardin de Vaux-Hall jusqu’au 22 mai.
En lisant la bible du spectacle, nous sommes affamés d’envie. La pièce va s’accompagner d’un ouvrage, Human mouvements Vol.4 Danza y Frontera, à paraître à l’automne 2021 et les grands axes nous sont donnés. Ces axes sont les scansions du spectacle : 1) La géopolitique du corps dans la chorégraphie, 2) Rayons du soleil obscur. Danza y Frontera, 3) Esthétique décoloniale, 4) L’invocation d’une danse ancestrale future. Passionnant.
Dans sa traduction scénique, l’impact frappe moins qu’il le voudrait. Peut-être à cause de la configuration aride : le plein air et temps très froid n’aident pas. La pièce semble hésiter entre la fiction et le documentaire, et les différents niveaux de lecture ne sont pas nets.
Pourtant, l’entreprise est passionnante et, par de nombreux éclats, la danse vaut d’être vue. Elle se niche « dans le quartier d’El Ejido Veinte of Matamoros, Tamaulipas, à la frontière séparant le Mexique des États-Unis. Cette chorégraphie est exécutée par des jeunes précarisé·es par un contexte d’extrême violence liée à cet espace liminal où prospèrent narcotrafic, militarisation et industrie du travail bon marché. »
Matteo Marziano Graziano, Daphna Horenczyk, Paula Andrea Chaves Bonilla, Dafne del Carmen Moreno, Juan Carlos Palma Velasco, Cristina Sandino, Rodrigo de la Torre Coronado, Lina María Venegas, Marco Torrice, Ezra Fieremanz et Juan Cruz Cizmar incarnent à merveille la violence de cette zone. Le regard noir, une fois qu’ils arrivent en ville par grappe, ils font peur. Ils tapent le sol en quatre temps martiaux accompagnés par le rythme joué live par Christian Müller.
Le geste fonctionne. Il dénonce la posture de soumission qui impose un centre de gravité bas. Mais ensuite, nous sommes perdus. La vision d’une danse folklorique aux allures possédées et incantatoires ne porte pas en elle son combat. Et cela se confirme dans un final porté par les percussions en live de Julio Cesar Cervantes Herrera qui donne au spectacle une allure bien plus festive que politique.
Reste un spectacle, efficace dans sa forme, porté par des interprètes qui excellent dans l’exercice à la fois de la danse répétitive et dans celle de la danse-théâtre. Peut-être ne faut-il pas lire les intentions de la chorégraphe avant de voir la pièce et juste se laisser porter par le tempo entêtant de Frontera/Border – A living Monument et les costumes fous qui collent les icônes chrétiennes sur des jupes à paillettes.
Visuel : © Nadaproductions