
“Into The Woods” : Le Châtelet vous emmène pour une promenade délicieusement féerique dans les bois !
Après “A little night music” en 2009, “Sweeney Todd” en 2011 et “Sunday in the park with George” en 2013, Jean Luc Chopin programme une quatrième oeuvre de Stephen Sondheim (il est aussi parolier de “West Side Story”, « A little night music ») au Théâtre du Châtelet.
En s’inspirant de l’essai Psychanalyse des contes de fées du psychanalyste Bruno Bettelheim, Stephen Sondheim mélange ici divers héros de contes (Cendrillon, Le Petit Chaperon rouge, Jack pet le haricot magique ) et y ajoute deux nouveaux personnages : le boulanger et sa femme. Leur quête pour avoir un enfant les entraîne « dans les bois » où ils croisent Cendrillon et le Prince Charmant, le Petit Chaperon rouge, la mère-grand et le loup, Jack et Raiponce à la longue chevelure blonde. Dès le premier acte le rideau se lève sur un imposant dispositif scénique : des chaumières abritant les héros des trois contes laissent place à une forêt plus vraie que nature, avec ses arbres imposants, avec ces clairières aux clairs obscurs et aux luminosités absolument radieuses.
L’ingénieux plateau scénique tournant, le travail soigné des arbres et de la végétation, permettent d’obtenir des atmosphères tantôt apaisante, tantôt angoissante. L’effet visuel est absolument bluffant. La scénographie ici est primordiale car ces contes ont un point commun : ils se déroulent dans les bois, lieu des peurs enfantines. Dans cette comédie musicale, les bois représentent la métaphore de notre société avec ses hommes et ses femmes d’âges, d’origines et de conditions différentes, tous amener à se côtoyer et à essayer de vivre en société Une fois entrés dans les bois, les personnages vont vivre des expériences uniques qui les transformeront à jamais. C’est là toute la force de cette œuvre brillamment mise en scène par Lee Blakeley : le show révèle des vérités philosophiques que chacun d’entre nous expérimentera dans sa vie : l’amour, la trahison, l’escroquerie, le mensonge, les revers, les adieux. L’auteur porte un regard empreint d’humanité sur notre illusoire quête de bonheur avec humour et tendresse. Les scènes coquasses s’enchainent avec précision et fluidité. Une des plus réussies est celle où le boulanger délivre le chaperon rouge et sa grand mère du ventre du loup. On salue aussi l’interprétation magistrale de Bervley Klein (la sorcière), mère adoptive de Raiponce à la fois drôle et inquiétante. Les chanteurs principaux ( le travail des voix est remarquable !) sont constamment sur le fil du rasoir, à la fois drôles, et funambules. Le deuxième acte beaucoup plus sombre voit les illusions de chacun s’envoler, les personnages disparaître brutalement uns à uns. Répliques grinçantes, images noires quand la géante écrase une à une les maison du village, happe la boulangère infidèle et se fait éborgner un œil tombant sur sur scène dans un vacarme assoudissant. Trois heures durant, on oscille entre la fantaisie de la comédie musicale et le lyrisme dramatique de l’Opéra, entre la légèreté , la misère humaine et l’amour. Courez voir cette fable aussi drôle que féroce sur les désillusions et les travers de l’âme humaine.
Jean-Christophe Mary
Musique et lyrics : Stephen Sondheim
Livret : James Lapine
Orchestration : Jonathan Tunick
Direction musicale : David Charles Abell
Mise en scène : Lee Blakeley
Décors : Alex Eales
Costumes : Mark Bouman
Chorégraphies : Lorena Randi
Lumières : Oliver Fenwick
Réalisation des marionettes : Max Humphries
Cendrillon : Kimy Mc Laren
Le narrateur : Leslie Clack
Le boulanger : Nicholas Garrett
La femme du boulanger : Christine Buffle
La sorcière : Beverley Klein
Jack : Pascal Charbonneau
Le Prince de Cendrillon : Damian Thantrey
Le Prince de Rapunzel : David Curry
Le steward : Jonathan Gunthorpe
Le Petit Chaperon rouge : Francesca Jackson
La mère de Jack : Rebecca de Pont Davies
Rapunzel : Louise Alder
Florinda : Elisa Doughty
Lucinda : Lucy Page
Le père de Cendrillon : Scott Emerson
La mère de Cendrillon : Kate Combault
La belle-mère de Cendrillon : Jasmine Roy
La voix de la Géante : Fanny Ardant
Blanche Neige : Dorine Cochenet
La Belle au bois dormant : Cécilia Proteau
Orchestre de chambre de Paris
Marionnettiste
Dorine Cochenet
Cécilia Proteau
Claire Vialon
Valentin Johner
Visuel : ©Cathy Kuehner