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[Rencontre des Jonglages] “Nuit”: symphonie nocturne de balles et de rebonds

[Rencontre des Jonglages] “Nuit”: symphonie nocturne de balles et de rebonds

16 April 2016 | PAR Mathieu Dochtermann

Le festival Rencontre des Jonglages vient de poser ses valises à La Courneuve, à la Maison des Jonglages. A cette occasion, le collectif Petits Travers donnait une représentation de Nuit, formidable spectacle à trois jongleurs, crépusculaire, virtuose, déconcertant, surréaliste autant que drôle. A voir absolument, pour celles et ceux particulièrement qui penseraient encore que le jonglage contemporain se résume à une simple maîtrise technique.

Nuit. Le spectacle commence, et il fait noir, absolument noir. Suspension, attente. Puis des bruissements furtifs résonnent dans l’obscurité du plateau, des frottements nets, qui traversent la scène de cour à jardin, puis de jardin à cour. Crépitements, explosions de lumière, odeur de souffre: les jongleurs craquent des allumettes, cherchent des indices dans l’obscurité. L’intrusion, d’abord sonore, des balles de jonglage sur le plateau, initie donc le ballet des trois interprètes, confrontés à la nécessité de faire la lumière sur cette invasion, et bientôt dépassés par l’impossibilité de faire place nette: chassez une balle, il en revient douze! S’ouvre alors la possibilité d’un chassé-croisé entre les trois jongleurs, qui est à la fois lutte et ballet: les corps se croisent autant que les balles, dans la lumière vacillante des flammes des bougies, tandis qu’un dialogue muet s’établit – mais qui en sont les locuteurs, sont-ce bien les seuls jongleurs, puisque les balles semblent animées d’une vie propre?

Disons le tout de go: la scénographie et la dramaturgie de ce spectacle confinent au génie, Olivier Filipucci signant la scénographie, et les trois interprètes, Julien Clément, Nicolas Mathis et Rémi Darbois signant collectivement la mise en scène avec la participation de Gustaf Rosell. Il est rare qu’un spectacle fondé sur une discipline circassienne, totalement muet, arrive à tisser aussi serrés les fils d’une histoire singulière et forte. Rare, mais pas impossible: c’est ce qui arrive ici, comme cela peut être le cas, dans la même discipline, pour Clément Dazin. Ce qui se joue sur scène est captivant, les personnalités des trois jongleurs se dessinent, autant d’ailleurs que la personnalité de leurs balles. C’est presque du théâtre de gestes et de mime. C’est éblouissant malgré la pénombre. Le travail sur les lumières, avec un éclairage à la bougie dominant, est impeccable. Et le travail sur le son, que ce soit celui des balles, celui des corps des artistes rythmant leurs passes avec des percussions corporelles, celui de la musique diffusée qui interagit avec les événements en scène, est époustouflant. Rythme et élégance sont les maîtres mots.

Il ne faudrait pas, pour autant, oublier que Nuit est un spectacle de jonglage absolument virtuose. La grâce des figures ne le dispute qu’à l’incroyable sens du rythme des interprètes, qui peuvent se permettre un jeu avec la musique qui demande une précision extrême. Pour renforcer l’atmosphère mystérieuse du récit, de nombreux tours de prestidigitation se mêlent au jonglage: balles qui disparaissent ou qui s’animent toutes seules, explosions de lumière, l’étrangeté a droit de cité dans ce clair-obscur habité.

C’est très beau, c’est totalement captivant, c’est absolument réjouissant, c’est malin et léger, c’est une absolue réussite. Un spectacle à ne surtout pas manquer, qui peut se voir les 3 et 4 juin 2016 au Théâtre de Conches-en-Ouche (27), et du 9 au 11 juin 2016 au Festival utoPistes, Théâtre des Célestins à Lyon (69).

Une création collective de Nicolas Mathis, Julien Clément, Remi Darbois avec la participation de Gustaf Rosell.
Conception/réalisation scénographique Olivier Filipucci.
Direction technique/régie Olivier Filipucci / Martin Barré et François Dareys.
Développement numérique Ekito, sous la direction de Benjamin Böhle-Roitelet.
Agencements musicaux Denis Fargetton.
Avec la collaboration magique de Yann Frisch.
Production :  Collectif Petit Travers
Coproductions :  CIRCA, Pôle National des Arts du Cirque à Auch /
LE SIRQUE, Pôle National des Arts du Cirque à Nexon / LE POLARIS, Scène Rhône-Alp,es à Corbas.

Infos pratiques

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Festival Babel Med
Batteux-Romain

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