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Saintes, jour 3 : De l’Abbaye aux Dames à Cognac et retour

Saintes, jour 3 : De l’Abbaye aux Dames à Cognac et retour

17 July 2017 | PAR Yaël Hirsch

Grand soleil et chaleur estivale sur la Charente-Maritime, la journée a été Nomade avec une escapade à la mer, vers Royan, l’après-midi de terroir avec un concert de jeunes clarinettistes dans des anciens ateliers de bouchons à Cognac, et la nuit a été immémoriale sous les étoiles et la voûte de l’Abbaye aux Dames.

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Après un petit jogging le long de la Charente qui nous a permis de voir jusqu’où la blancheur de la pierre persévère et de découvrir une végétation luxuriante et même un relief pas si facile à suivre dans la chaleur déjà forte dès 9 heures du matin, nous avons pris le ter direction Royan pour une petite baignade. Nous avons donc séché la messe et filé vers la côté, gare de Royan puis jolie plage de Pontaillac où l’eau (célèbre dans le temps pour soigner les maladies de peau) était chaude et la plage bien remplie, devant le casino. Coup de chance, le restaurant de bord de mer est un gastronomique et nous nous en sommes donnés à cœur joie sur le poisson et les fruits de mer à la Brasserie de la Jabotière.

A 15h30, nous étions en maillot et plein de sel (mais sage et studieux) au cœur du territoire, à Cognac, ville mère du célèbre alcool et cité qui a longtemps bataillé pour faire valoir son importance (y compris administrative et sur les lignes de train) face à Angoulême et Saintes. Les anciens ateliers de bouchages Delage ont abrité tour à tour des fûts de cognac et des bouchons. C’est dans le cocon transformé en bureaux mais conservant une grande cour majestueuse où, dans le cadre des concerts « place aux jeunes musiciens ! » du Festival, que le duo canadien de clarinettistes historiques, The Küffner Gals, nous a joué un répertoire composé comme exercice de style et divertissement à la fin du 18e siècle pour deux clarinettes. Dans ce tour d’Europe sifflotant et léger, il y a d’abord eu la figure tutélaire de Küffner, puis Kreutzer, le français François Devienne, le flamand Vanderhagen et enfin le suédois Crusell. Magnifiques dans leurs robes rouges, Maryse Legault et Adrianna van Leeuven ont ressuscité pour nous un répertoire brillant aux accents mozartiens, avec une pointe de musique populaires (Crusell) et un début de Sturm romantique parfois (l’Adago de Kreutzer). Le public est sorti de ce concert jeune et pétillant rempli d’énergie pour se promener dans un Cognac aux allures de far-west, tant la chaleur et le dimanche avait vidé les rues.

A 19h30, retour à l’Abbatiale pour un moment de musique vocale exceptionnelle. Accompagnés d’un théorbe, les 7 chanteurs de l’ensemble Voces Suaves, mené par le baryton Tobias Wicky nous ont convié à une immersion parfaite dans les 8 livres de Madrigaux de Monteverdi. Choisissant savamment les chants dans divers livres pour montrer efficacement comment le compositeur a innové et révolutionné la musique, l’ensemble a su nous jouer des textes signés Le Tasse, Pétrarque ou Guarini qui parlent d’amour fou de manière universelle et que les Voces Suaves prenaient plaisir à incarner. Parfois avec fougue, telle la fameuse Ninfa du lamento, qui nous est venue de l’entrée de l’Eglise pour trainer sa plainte au cœur du public vers la scène. Mais plus souvent avec humour : les comparses cravatés de bleu et les sopranos en sylphides robe noires, se rapprochaient et s’épaulaient comme dans un jeu de music-hall. Avec en bonus une trajectoire des voix et des échos absolument mélodieux. Un semble d’une heure pile qui nous a projeté dans le souffle ailé de la perfection.

Enfin, la soirée s’est terminée par un grand rodéo d’1h30 ( !) de Variations Goldberg par le claveciniste Benjamain Alard. Suspendant son souffle dans la pénombre de l’abbatiale à peine éclairée, ce dernier a tenu son public nombreux en tension pendant environ 30 minutes de plus que de coutumes dans ces variations qu’il a donc variée avec (par) cœur et précision. Fluides, quasi ininterrompues, la pièce culte de Bach était exécutée avec une perfection bluffante et qui aurait pu paraître glacée ou machinale si la fin n’avait pas été plus marquée, « variée » et brutale. Un moment de musique exigeant, applaudi à la mesure de sa performance.

Il est malheureusement temps pour nous de quitter Saintes où nous serions bien restés jusqu’au bout du festival, le 22 juillet, pour encore entendre (entre autres) les Arts Florissants (le 17), le pianiste Bertrand Chamayou (le 18), le Collegium Vocale Gent (le 19), Vox Luminis que nous avons raté samedi (le 20), Lise Berthaud, Victor Julien-Laferrière et Adam Laloum (le 21) et l’orchestre des Champs Elysées (le 22)… Nous quittons Saintes après une nuit sublime et la tête dans les étoiles.
Tout le programme du festival, ici.
Visuels : YH

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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