
Mark Padmore chante Schubert au théâtre des Champs Elysées
Le 14 Février 2019, l’orchestre de chambre de Paris interprète la symphonie inachevée et le Winterreise de Schubert. Le voyage d’hiver est chanté par le ténor anglais Mark Padmore dans la version pour orchestre crée en 1993 par le compositeur allemand Hans Zender.
En 1822 quand il écrit sa huitième symphonie, dite « inachevée » Franz Schubert (1797 -1828) vit une période de bouleversement et de renouvellement dans son activité de compositeur. Cette symphonie ne comporte que deux mouvements mais le mystère demeure sur la cause de son inachèvement même si les problèmes de santé du compositeur débutent alors. Elle ne sera jouée que 40 ans après la mort de Schubert.
Lors du premier mouvement, l’introduction du premier thème à l’unisson du hautbois et de la clarinette semble venir des profondeurs. Le deuxième thème, chantant et mélodieux se déploie tout au long du mouvement, envoutant l’auditeur. Cette sérénité contraste avec les brusques accords qui surgissent telle une chevauchée tragique. Dans le deuxième mouvement les moments lents, romantiques et d’une douce mélancolie alternent également avec des moments de rupture, le jeu de l’orchestre devenant alors haché et heurté. L’interprétation de Douglas Boyd et de l’orchestre de chambre de Paris valorise la douceur divine de la musique de Schubert mais aussi les contrastes qui font la modernité de cette symphonie.
En 1827, quand il compose Winterreise, Schubert est malade, isolé et sa musique en relative disgrâce. Il a été très affecté par la mort cette année là de son mentor, Beethoven. Il sera très sensible à la poésie désespérée du poète allemand Wilhem Müller (1794-1827) et à ses thèmes romantiques de l’amour non partagé et de l’errance.
Winterreise est joué dans la version pour ténor et petit orchestre créée en 1993 par le compositeur allemand Hans Zender. L’orchestre remplace le piano. L’orchestration est une réussite et offre de nombreuses surprises à l’auditeur comme cette longue introduction du premier lied « Gute Nacht ». Les percussions et les dissonances s’invitent dans les mélodies de Schubert. L’orchestre restitue les bruits de la girouette, du vent qui gronde, du bruissement des feuilles du tilleul et du village endormi. Les musiciens se déplacent lentement tels des spectres sur scène et dans la salle. Cette orchestration et l’interprétation de Mark Padmore renforcent la dramatisation et la théâtralité de l’œuvre de Schubert. Le spectacle est complet. Les douze premiers lieder sont portés par les thèmes de l’errance et de l’amour perdu. L’hiver, la neige et la glace sont omni présents tel un linceul. Les moments de répits sont rares, évoquant les souvenirs heureux tel le lied « le tilleul » et sa divine mélodie .Dans les douze derniers lieder composés quelque mois plus tard, la mort est encore plus présente. Les corneilles qui accompagnent le marcheur, le poteau indiquant le dernier chemin, le cimetière comme ultime auberge et le vieillard joueur de vielle : aucun doute, la mort devient imminente.
La performance du ténor Mark Padmore est saisissante. Le spectateur est glacé et subjugué par l’œuvre et son interprétation. Il est subjugué par la beauté de la poésie de Wilhem Muller, par la musique de Schubert et par l’amplification dramatique que procure l’orchestration d’Hans Zender.
Visuel : ©Marco Borggreve