Classique
[Live report] Orchestre Philharmonique de Radio France, du symbolisme à l’élévation

[Live report] Orchestre Philharmonique de Radio France, du symbolisme à l’élévation

11 November 2013 | PAR Marie Charlotte Mallard

Sous la baguette de son directeur musical, Myung-Whun Chung, l’Orchestre Philharmonique de Radio France, offrait au public de Pleyel un programme empreint de  symbolisme donnant la Rhapsodie pour clarinette et orchestre de Debussy, L’Ascension, Quatre méditations symphoniques pour orchestre de Messiaen, et la Symphonie n°3 en ut mineur avec orgue opus 78 de Saint-Saëns. Une soirée onirique et élévatrice dont on ressortait le cœur léger et l’esprit apaisé. 

Quoi de mieux que la Rhapsodie pour clarinette et orchestre de Debussy, interprétée par Nicolas Baldeyrou pour débuter tout en douceur cette soirée musicale. Alors que la flûte pose la première note, feutrée, lointaine, et que les violons à sa suite exposent un motif mouvant teinté d’orientalisme, se glisse presque imperceptiblement la tendre et délicate clarinette de Nicolas Baldeyrou. Poésie et légèreté se dégagent d’emblée, portées par le traitement fin, gracieux et subtil de l’orchestre mais surtout du clarinettiste, dont la délicatesse et l’aisance tant du point de vue du timbre que de la technique digitale nous ravira tout au long de l’œuvre. A l’image du Prélude à l’après-midi d’un faune, semble régner la magie mystique de l’éveil. Le tempo ample et allant, allié à cette clarinette qui jamais ne s’avérera trop brusque ou hâtive et qui, même dans les passages les plus virtuoses, nous paraissait flotter librement dans les airs, magnifièrent cette rêverie. Ainsi, dans l’écrin de la salle Pleyel, nous fûmes littéralement happés par l’imaginaire contemplatif de Debussy sublimement mis en scène ce soir.

Ainsi doucereusement assis dans la poésie, nous étions fin prêts pour nous élever avec l’Ascension de Messiaen. Ici le compositeur joue avec les modes, les intervalles et les timbres pour nous plonger dans son univers liturgique. Dans la première méditation, Majesté du Christ demandant sa gloire au Père, la direction de Chung fera ressortir toute l’imposante solennité par le ménagement des silences entre chacune des interventions de cuivres rythmant la partition en posant de manière sentencieuse des accords aux intervalles toujours plus montants. Dans l’Alléluia serein d’une âme qui désire le Ciel, c’est l’ambiguïté et l’antithèse musicale qui sera mise en avant par les pupitres de bois aux timbres charmeurs, sublimant l’orientalisme ensorcelant de la pièce auquel s’opposeront les crissements de cordes sauvagement frottées. Le troisième mouvement, Alléluia sur la trompette, Alléluia sur la cymbale sera à notre sens le plus stupéfiant et le plus abouti. Plein de caractère, à la fois dansant et aventurier, sa grandeur cérémonieuse et brillante nous portait et nous préparait naturellement vers le sublime inhérent à la dernière méditation, Prière du Christ montant vers son Père. Le mouvement débute sur une nuance mezzo piano sereine, jouant sur les crescendo-decrescendo, pesant la lenteur méditative de cette dernière partie, Chung accentue le rayonnement entêtant et envoûtant alors que les cordes exaltent avec splendeur tout le céleste et le divin caractéristiques de l’œuvre. Contemplations et élévations nous portèrent ainsi du début à la fin de la pièce. Un climat délicat qui nous emplit malgré nous et dont on se délecta particulièrement.

Après l’entracte, nous était donnée la 3e Symphonie en ut mineur dite « avec orgue », op 78 de Camille Saint-Saëns, œuvre que nous avions déjà pu entendre il y a quelques semaines par l’Orchestre de Paris. L’occasion pour nous de comparer deux directions, deux  interprétations, deux visions de la pièce. Placée en deuxième partie de soirée, l’œuvre résumait à elle seule la première partie du concert. Solaire et lumineuse elle cherche l’élévation comme l’œuvre de Messiaen, et porte l’onirisme et l’impressionnisme que l’on avait trouvé auparavant chez Debussy. Alors que Jaarvi et l’Orchestre de Paris misaient sur la puissance et le son se posant ainsi en monstre orchestrale rugissant, et proposant une interprétation nerveuse de la partition, Chung et l’Orchestre Philharmonique de Radio France firent d’autant plus ressortir grandeur, profondeur et majesté. L’orgue bien que se fondant particulièrement bien dans l’orchestre nous apparut plus présent dans la première partie qu’il ne l’avait été lors de notre précédente écoute de la symphonie, mettant ainsi d’autant plus en valeur la lumière divine de l’œuvre de Saint-Saëns. Dans la deuxième partie ressortirent bien évidemment force, ardeur et férocité mais la direction plus souple et modérée de Chung nous sembla jouer plus sur le suspense que sur la verve folle et parfois diabolique de la partition. Alors que Jaarvi semblait vouloir signifier la force du divin et l’élévation en faisant trembler les murs Chung et le Philharmonique la signifièrent en mettant en avant toute la brillance céleste de la pièce. Une interprétation différente qui nous permit de voir l’oeuvre autrement. Tout aussi savoureuse et fameuse portée par des musiciens de qualité, elle fut d’ailleurs largement et chaleureusement applaudie par un public complètement envahi par la musique, rappelant de multiples fois le chef. Une prestation aérienne, spirituelle, sensible et envoûtante d’où ressortaient magie et exquise bienveillance providentielle.

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Hôtel Lépinat
Hôtel de Gallifet – Aix-en-Provence
BRION-Christine

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