Classique
L’ensemble Polygones et Camille Pépin au Festival du Quatuor à Cordes du Luberon

L’ensemble Polygones et Camille Pépin au Festival du Quatuor à Cordes du Luberon

23 August 2019 | PAR Myriam Saab-Seurin

Le Festival du Quatuor à Cordes investit cette fois l’Abbaye Silvacane de la Roque d’Anthéron pour un programme de musique de chambre mêlant la musique de la compositrice Camille Pépin à Beethoven et Brahms.

L’ensemble Polygones et Camille Pépin (artiste en résidence de cette édition du festival) avaient tout pour se rencontrer, et la collaboration suivie qu’ils mènent depuis 2015 n’est pas due au hasard. L’ensemble Polygones, constitué de jeunes musiciens issus des CNSM français, regroupe violon, violoncelle, clarinette, cor et piano, intervenant dans toutes les combinaisons possibles. Ecrire pour lui a donc permis à la jeune compositrice, née en 1990, de retrouver en musique de chambre un condensé des familles orchestrales et une grande palette de timbres.

Dans Snow, Moon and Flowers, œuvre écrite en 2018, elle s’inspire de dix estampes du peintre japonais Hiroshige pour nous offrir une belle pièce coloriste. Les liens avec la musique japonaise sont présents : recherche de timbres autour du violoncelle et de la clarinette pour rappeler la flûte shakuachi japonaise, mélopée hypnotique autour d’une note pôle et de rythmes obstinés aux pulsations irrégulières. On sent bien dans le début ondoyant et aquatique cette pièce l’influence du minimalisme américain que revendique d’ailleurs la compositrice. Depuis la galerie du cloître, on peut sentir le vent se lever et la pluie tombant sur le jardin central, puis le tonnerre, se mêler à la musique au moment où la structure rythmique s’agite et se désorganise pour mener la musique vers son sommet.

Abbaye de Silvacane

Luna, écrite en 2015, déjà pour Polygones, est une œuvre assez différente au premier abord, mais dans laquelle on trouve déjà cette caractéristique d’ambiances tissées les unes aux autres avec fluidité : dans ce triptyque (Luna, Aurora, Sol), on progresse dans l’évocation des couleurs du ciel à mesure que la nuit laisse place à la lumière de l’aube puis au soleil cru. Dans le début de Luna, les grappes de notes très graves du piano alternées aux réponses aigues et pianissimo du piano et du violon, créant l’espace entre le sol obscur et le ciel nocturne, rappellent l’installation du paysage naturel dans certaines pages du Catalogue d’Oiseaux de Messiaen. Dans les clés d’écoute fournies au public en avant-concert, la compositrice explique avoir utilisé les timbres d’instruments de façon plus isolée dans Luna, avant de les mêler de plus en plus jusqu’à obtenir un effet de masse sonore évoquant la lumière éclatante du plein jour dans Sol.

L’ensemble Polygones et Camille Pépin

Entre ces deux pièces contemporaines, l’ensemble joue en plus petit effectif, dans le Trio pour cor, violon et piano de J.Brahms, et le Trio pour clarinette, violoncelle et piano de L.V.Beethoven.

Le premier mouvement du trio de Brahms (composé à l’origine pour le cor naturel, à la sonorité chérie par Brahms, moins homogène que celle du cor à pistons déjà courant à l’époque), comme le thème du 3ème mouvement du trio de Beethoven, sont empreints d’une naïveté paysanne propre, parfois, au romantisme allemand, et dont l’effet est ici rendu dans des articulations très précises, mais sans exagérer le trait, grâce à des tempi bien choisies et des lignes construites au plus près de la partition.

L’équilibre entre fluidité et contrastes est présent dans l’interprétation fougueuse mais très juste du trio de Beethoven, l’énergie et l’audace chez Brahms sont servies par une présence étonnante, en particulier du piano. Peut-être, dans cette dernière œuvre, pourrait-on désirer davantage d’intériorité à certains moments des deuxième et troisième mouvements, pour accéder à la sourde angoisse sous-jacente de cette musique.

La grande densité de ce concert apporte à la programmation de cette édition du Festival une dimension importante tant par la qualité que par l’ouverture musicales. A suivre !

Festival du Quatuor à Cordes du Luberon, jusqu’au 25 août.

Infos pratiques

« Simple journée d’été » de Frédéric Berthet : « Les livres ne sont que des promesses de vie »
« Par les routes » de Sylvain Prudhomme : Que faire ?
Myriam Saab-Seurin

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration