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[Live report] La musique d’Europe de l’Est à l’honneur avec Khatia Buniatishvili et l’Orchestre de Paris.

[Live report] La musique d’Europe de l’Est à l’honneur avec Khatia Buniatishvili et l’Orchestre de Paris.

14 June 2013 | PAR Marie Charlotte Mallard

Ce Mercredi, l’Orchestre de Paris dirigé par Andrey Boreyko donnait à entendre tout le charme et le folklore de l’Europe de l’est proposant au public de Pleyel, Le concerto pour orchestre de Lutoslawski en ouverture, le concerto n°2 de Liszt en compagnie de la divine et sulfureuse Khatia Buniatishvili, puis pour clore le concert la Suite n°3 de Tchaïkovski. Trois œuvres exigeantes énergiques et capricieuses au caractère lunatique, impétueux et festif, autant que nostalgique, tendre et onirique, une programmation ardue et épuisante, une fatigue que l’on ressentira dans l’exécution de la dernière oeuvre.

andrey_boreyko_02Le concerto pour orchestre de Lutoslawski reflet d’une personnalité singulière marquée sans doute par les épreuves mais surtout par les influences de Stravinsky et Bartok, reflète les mélodies populaires issues de Varsovie. L’œuvre débute par des coups tonitruants portés et exagérés par les cymbales fortes et éclatantes de l’orchestre de Paris installant ensuite, une marche régulière lourde et pesante dans laquelle les instruments entrent en virevoltant les uns après les autres. D’emblée, l’on retrouve toute la force vigoureuse de l’Orchestre de Paris, incarnée par un pupitre de percussion survitaminé, ainsi qu’un pupitre de cuivre renforcé, brillant et tonitruant, de même l’extrême précision rythmique, nécessaire et indispensable dans cette œuvre. L’association de ces deux pupitres dont la vigueur et l’énergie amène torpeur et tension vive, contraste largement avec le thème, une danse stylisée d’allure printanière et évanescente, nature à la fois sereine et piquante voire agressive, que provoque la rythmique saccadée rappelant par certains égards le Sacre de Stravinsky. Le Second mouvement, un Capriccio notturno et Arioso débute par un bourdonnement pianissimo frémissant des cordes laissant très vite place à l’agitation de tout l’orchestre. Des petites interventions fuguées de chaque pupitre, ressort une atmosphère impalpable et onirique qui laissera ensuite place au lyrisme tendu de l’arioso entretenu par une fanfare de cuivres claironnants, sonneries conquérantes qui se dissolvent rapidement pour clore ce court mouvement dans un climat ombrageux et vaporeux mené par les contrebasses aux pianissimi précautionneux remarquable. Une maîtrise que l’on retrouve dès le début du dernier mouvement, le plus long et exigeant de l’œuvre. Le compositeur joue sur l’ampleur de l’orchestre et y multiplie les lignes mélodiques qu’il superpose et entremêle les unes aux autres. A l’agitation effrénée et virtuose des cordes et des bois, s’opposent les interventions percutantes des cuivres qui marquent l’instrumentation comme un véritable moteur qui entraînerait l’orchestre entier à grandir pour prendre de l’ampleur jusqu’au coup d’éclat final. L’exécution globale de la pièce, chargée de couleurs, de nuances plus qu’approfondies fut du plus bel effet et plaçait déjà le concert sous les plus hauts niveaux, avec néanmoins pour réserve de se questionner sur la capacité de l’Orchestre de Paris de tenir tout du long, avec autant d’attention et de précision l’ensemble de la programmation.

Après cette tonique, vivifiante et stimulante introduction, place à la divine Khatia Buniatishvili dont la beauté avant même son jeu pianistique subjugue toujours autant. Parée d’une robe fourreau noir, ses lèvres pulpeuses savamment soulignées du rouge le plus explosif qui puisse exister, la belle fend l’orchestre avec la classe, la magnificence, la délicatesse et la détermination qui la caractérise.

Khatia BuniatishvilliLe concerto n°2 de Liszt en un seul mouvement comprend six sections enchainées et se présente bien plus comme un poème symphonique qu’un concerto pour piano, le rôle du soliste étant atténué au profit d’une union fraternelle entre lui et l’orchestre. De ce fait, il ne prendra jamais réellement l’avantage thématique, accompagnant bien souvent les cordes et initiant plutôt les fluctuations et mouvements de variations de l’orchestre. Ainsi plutôt que d’être dans un dialogue et une opposition constante, piano et orchestre jouent et construisent le discours, racontent ensemble une histoire, le piano initiant les mouvements de l’oeuvre ou se succèdent différents climats. Une osmose véritable qui sera conduite à la perfection tout du long de l’exécution. Khatia Buniatishvili vit l’instant, dès les premières mesures de l’orchestre elle apparaît comme clairement habitée, et déploie avec mesure, retenue, grâce, élégance, et légèreté les premiers arpèges avant d’afficher également toute la force grave, furieuse, ardente, dévastatrice et sauvage dont elle sait également faire preuve. Une ambivalence de caractère qui sied parfaitement à cette œuvre que la notion de contraste et d’obscure clarté définissent spécifiquement. Du bout de ses doigts les ribambelles de notes douces et cristallines, autant qu’arpèges chromatiques appuyées, brutales et fracassantes glissent avec une incroyable facilité. Le touché de Katia aussi virtuose que souple et aérien envoûte tout autant si ce n’est plus que la beauté de la jeune femme. Sachant faire preuve d’une sensibilité bouleversante et d’une candeur presque enfantine dans les instants les plus lyriques de la partition elle se donne entièrement au public autant qu’à l’orchestre. On notera également la grâce absolue dont fit preuve le violoncelliste solo de l’orchestre à qui est confié le thème dans la quatrième section du concerto, qui magnifia toute la vocalité enchanteresse de ce passage outrageusement sentimental. Emporté, charmé, et même ensorcelé, l’on reste subjugué par la prestation de khatia autant que par l’admirable et inébranlable communion entre soliste et orchestre. Une communion qui emportera et captivera également le public littéralement assujetti par la musique, véritablement absorbé tout du long. A peine eut-elle balancé les derniers accords que fusent les bravos et applaudissements du public qui la rappellera par 6 fois sur scène.

Après l’entracte, place à la Suite pour Orchestre n°3 en Sol Majeur op.55 de Tchaïkovski. La première partie du concert fut dense et exigeante tant dans le soin, l’attention, la minutie, que dans la force et la virtuosité dont il fallait faire preuve, ce qui se ressentit largement sur l’interprétation de cette suite par ailleurs si peu jouée en concert. Si l’élégie sereine du premier mouvement nous installe dans une douceur confortable et débute cette deuxième partie de concert sous de bons auspices, très vite l’on sent l’attention des musiciens se désagréger. Le chef n’arrive pas à obtenir l’ampleur que l’on connait à l’orchestre, l’éventail de couleurs et de nuances nous apparaît largement restreint. Plus l’on avance, moins l’orchestre semble réceptif envers sa gestuelle. Une impression qui se confirmera dans la valse du second mouvement ou les interventions des violoncelles et violons semblent en léger décalage dans les rythmiques syncopées. L’orchestre tout entier semble lutter pour avancer, langueur et lourdeur se dégagent alors de ce mouvement, sans compter que toutes les nuances nous apparaissent trop fortes et identiques, en effet, tout semble exploser, claquer de toute part sans réel but musical et interprétatif. L’orchestre reprendra néanmoins un peu le dessus dans le dernier mouvement se montrant plus à l’écoute des uns et des autres, plus réceptif quant au chef et terminera de manière grandiose, tonitruante et grandiloquente, se gonflant de plus en plus pour l’explosion finale, impressionnant le public qui de ce fait applaudira avec fougue. Nous terminerons donc ce concert par la petite déception que fut cette Suite, dont l’accomplissement fut empêchée par la hardiesse de la programmation.

Concert retransmis en direct et à revoir sans plus tarder sur medicis tv en cliquant ici.

Visuels: (c) Khatia Buniatshvili:khatiabuniatishvili.com / (c) andrei boreyko :http://www.euskadikoorkestra.es

Infos pratiques

Hôtel Lépinat
Hôtel de Gallifet – Aix-en-Provence
BRION-Christine

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