
Jansons et la Symphonie des Bayerischen Rundfunks jouent sur le mode brillant un programma grave à la Philharmonie (31/01/2017)
Le chef letton Mariss Jansons et son grand orchestre bavarois étaient très attendus, ce mardi 31 janvier 2017 à la Philharmonie de Paris. Avec la mezzo-soprano Geerhild Romberger en remplacement de Waltraud Meier en soliste dans les Kindertoten Lieder de Mahler avant les Danses symphoniques de Rachmaninov et en commençant par une oeuvre contemporaine : l’Antigone de Vladimir Sommer, ils ont fait le choix d’un programme éclectique et grave qu’ils ont joué sur une note enlevée et brillante.
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Réputé pour avoir emmené l’extraordinaire Symphonie des Bayerischen Rundfunk sur le terrain de la création contemporaine, Mariss Jansons a commencé ce concert parisien par une oeuvre des années 1950 du compositeur tchèque Vladimir Sommerer : puissante et solennelle, cette version pour “grand” orchestre de l‘Antigone mêle l’âpreté et a tension avec un certain lyrisme de la fanfare. Un oeuvre certainement tragique, joué avec élégance par la Symphonie des Bayerischen Rundfunk.
Voix chaleureuse de Gerhild Romberger, excellente remplaçante de Waltraud Meier, trop grippée pour chanter à la Philharmonie ce mardi soir, et orchestre énergique, c’est encore une fois sur le mode de la puissance que Mariss Jansons a emmené son orchestre à travers les 5 chants de deuils prémonitoires de Mahler (il les a écrits plusieurs années avant de perdre sa fille). Prenant à la lettre le texte de Friedrich Ruckert qui passe du déni à la foi pour évoquer la mort d’un enfant, le chef a privilégié la force de son orchestre à l’intimité terrifiante du deuil qu’on imagine d’habitude quand on pense à cette oeuvre si singulière du compositeur autrichien. Dans cette version aussi brillante que déroutante, le glockenspiel sonne presque avec légèreté dans le premier chant, le hautbois semble magnifier le souvenir de lumière dans le troisième chant qui fait penser à Bach et les deux derniers chants ont beau évoquer les fantômes des enfants disparus, ils nous ont presque fait valser comme à Vienne. De manière surprenante, les Kindertotenlieder (1901-04) nous ont éblouis de maîtrise sans nous percer le cœur de tristesse, ce qui ne nous a pas empêchés d’être emportés par le court solo du violoniste Radoslaw Szulc, ni de nous délecter du timbre parfait de Gerhild Romberger.
Après un court entracte, nous sommes passés vers un oeuvre plus légère qu’on a entendue sur un mode tout aussi solennel : Les Danses Symphoniques de Sergueï Rachmaninov (1940). Délicat et léger dans le “Non allegro” inaugural, la Symphonie des Bayerischen Rundfunks a planté une atmosphère à la fois fantastique et romantique avant de nous entraîner vers quelque chose de plus langoureux dans le “Andante”. Tout en contrastes, le troisième mouvement a été joué avec le brio qui a été la note de toute la soirée pour un atterrissage solennel et une grande acclamation du public. Aussi vif et en maîtrise dans ses reprises que dans le reste du programme, Mariss Jansons nous a fait passer du fameux moment musical de Schubert adapté pour orchestre et joué à enjouement, à une création plus contemporaine et militaire. L’orchestre bavarois et son chef ont été longuement applaudis et remerciés.
visuels : (c) Peter Meisel/BRSO