![[Toute La Culture du clip] Juliette Armanet, « L’amour en solitaire »](https://toutelaculture.com/wp-content/uploads/2016/04/Juliette-Armanet-L-Amour-en-Solitaire-live-session-YouTube-852x471.png)
[Toute La Culture du clip] Juliette Armanet, « L’amour en solitaire »
Ressac des mères
On revient deux ans en arrière, à quelques jours de la sortie du premier disque de Juliette Armanet avec cette chanson qui l’a fait connaître de quelques-uns et que l’on retrouvera dans son « Cavalier seule » son obsession de solitude et de manque d’amour, sa voie cristalline qui fait digue contre un dérangement qui semble l’envelopper peu à peu. Armanet, Maissiat et les autres, toujours ce fil rouge et queer de la nouvelle variété française ; ici une sorte de Rossy de Palma chantant du William Sheller, avec une grâce qui adoucit le vertige hiératique qui guette à chaque couplet. Une fausse vierge de 32 ans qui a dû écouter ses idoles dans le ventre de sa mère au point d’en faire le ressac d’un malaise romantique, de cet amour perdu qui perd de vue que l’autre … est un autre (sans toi je devenais flou, chante-t-elle… ou plutôt fou). Je cours tout seul, je cours et j’me sens toujours tout seul. C’est sans doute quelque chose comme ça qui résonne dans le liquide amniotique avec la voix de la mère qui reprend en chœur Sheller et qui remet la chanson, ou qui en choisit une autre encore, juste avant la naissance : le truc qui va marquer l’esprit des petites filles de 1984, Un : maman a tort, deux : c’est beau l’amour, trois: l’infirmière pleure, quatre : je l’aime (Mylène Farmer). La musique c’est d’abord une question de résonance. Le philosophe Philippe Lacoue-Labarthe écrit qu’elle finit par devenir une hantise qui sonne comme la voix étouffée de sa mère que l’on entend bourdonner et dont on finit par se libérer, en chantant justement, en sortant du corps-à-corps, courageusement, douloureusement, en remplissant l’espace de sa propre voix. Solo dans ma gueule Si l’on ne résiste pas à cette chanson, c’est en raison de cet enchevêtrement ambigu des sentiments amoureux, sculptés en couplets/refrain où chaque fois les mots dérapent et crèvent l’écrin sage du dispositif “piano voix lumière”, de l’artiste classique et accomplie. Dans le fond je m’en fous, c’est pas grave Et c’est justement ce qui importe ici, de sortir du ressac de la voix de la mère, de son amour solitaire, pour finir par « dire juste »
Réalisé par Josselin Panchout et inspiré par Rodolphe Burger (“Variations sur la reprise”, page 35)