
Motörhead -In and out- Entre autres histoires d’une vie exubérante : Lucas Fox réveille le fantôme de Lemmy !
Dans Motörhead In and Out, Lucas Fox, batteur originel du groupe livre un témoignage sans filtre sur la genèse de cette formation britannique qui, dès 1975, allait faire trembler la scène musicale par son intensité sonore et son esthétique sans compromis. Loin des habituels récits à la gloire de son leader Lemmy Kilmister, cet ouvrage vibre d’une énergie brute et d’une sincérité rare. On y croise Lemmy, une jeunesse libre entre beuveries, frénésie sonore et survivance psychédélique dans le Londres électrique des 70’s. Un récit personnel qui sort des sentiers battus.
Ce qui distingue ce récit des innombrables publications sur Motörhead c’est la simplicité avec laquelle Lucas Fox raconte l’histoire qu’il a vécu. Il n’essaie jamais de rejouer l’histoire avec grandeur ne cherche ni à mythifier Lemmy, ni à se refaire une place dans le panthéon du rock. Là où d’autres retracent la carrière du groupe à coups de dates, d’albums et de tournées, lui raconte les choses comme elles sont arrivées. Lucas Fox n’a pas eu la carrière des plus grands batteurs, mais il a eu mieux : il était là, au moment précis où tout bascule. Né en 1951, élève du lycée français de Londres, amateur de jazz, passionné d’histoire militaire et de burlesque britannique, l’auteur fait revivre ce Londres métissé, cosmopolite, entre élégance bohème et dérive psychédélique avec l’arrivée de l’héroïne, la violence des descentes de police ou les premières tensions raciales dans le West London. Né en 1951, Lucas Fox grandit à Londres, passe par le lycée français, découvre la musique au contact du rock psychédélique et du rhythm and blues américain. À 24 ans, il rencontre Lemmy dans un club, et très vite, une complicité étrange les unit. L’ex-bassiste de Hawkwind, fraîchement expulsé du groupe après une arrestation au Canada, est à la dérive. Lucas Fox l’écoute. Alors que tout les oppose en apparence, entre Lemmy, vétéran barbu ( avant Hawkwind il a joué avec les Rockin Vickers, a été roadie pour Jimi Hendrix), et Lucas, plus jeune, plus fluide, presque dandy, leur complicité est immédiate. Leur rencontre est scellée par une passion commune pour l’humour noir, les Panzer allemands et les substances interdites, la Seconde Guerre mondiale, les blagues absurdes de Tommy Cooper, et une consommation massive de speed, de whisky et de nuits dans un Londres en pleine mutation. C’est Lucas qui incite Lemmy à remonter sur scène, Lucas encore qui tape les premières mesures de ce qui deviendra la première mouture de Motörhead. Ensemble, ils carburent aux amphétamines, aux éclats de rire et au rêve rock’n’roll. Leur complicité se forge dans l’intensité – celle des nuits sans sommeil, des engueulades dantesques. Jusqu’à la jusqu’à la séparation brutale. Mais Lucas Fox ne règle aucun compte : il évoque Lemmy avec une admiration pudique, une tendresse de frère de feu. Si ses années avec Motörhead furent brèves (il quitte le groupe avant l’enregistrement du premier album remplacé par Phil “Filthy Animal” Taylor ) elles n’en sont pas moins déterminantes. On le retrouve plus tard dans les sphères punk de Warsaw Fox l’un des premiers groupes punk britanniques à enregistrer un album live en studio en une nuit, dans l’urgence la plus totale. Batteur autodidacte, plus intéressé par l’énergie que la précision, Lucas Fox est aussi un témoin acéré du monde qui l’entoure. Son récit est ponctué de digressions sur les squats, les galeries d’art de Soho, l’arrivée de l’héroïne, la violence des descentes de police ou les premières tensions raciales dans le West London post-empire. Un point de vue culturel et social autant que musicale « On jouait pour survivre. Pas pour percer. Juste pour tenir jusqu’à la nuit suivante”. L’écriture est directe, souvent habitée, mais jamais prétentieuse. L’autre intérêt du livre réside dans ces photographies inédites. Elles racontent une époque sans artifice. On découvre les premiers shootings officiels par Ian Dickson, les premières scènes de Motörhead à Birmingham en première partie de Blue Öster Cult, au Hammersmith Odeon ou au Marquee (1975). Des clichés souvent en noir et blanc, granuleux, qui saisissent l’instant sur le vif. Ces photos ne sont pas seulement les témoins du passé : elles donnent chair au récit de Lucas, elles en sont l’âme visuel. Motörhead In and Out est bien plus qu’un livre pour les fans du groupe. C’est un roman vrai, un témoignage à hauteur d’homme sur une époque qui ne reviendra plus, mais dont les échos résonnent encore dans chaque riff, chaque gueule de bois, chaque envie de brûler la nuit. Lucas Fox n’a peut-être pas marqué l’histoire du rock comme Lemmy, mais il la raconte mieux que personne. Et cela suffit à faire de ce livre un incontournable.
Jean-Christophe Mary
- Editeur : Hors Collection Nombre de pages / 366