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“Minnow” ou la transe renversante du gourou James E. McTeer II

“Minnow” ou la transe renversante du gourou James E. McTeer II

18 August 2016 | PAR Marianne Fougere

Petit-fils de sheriff, James E. McTeer II signe avec Minnow l’une des plus belles fresques qu’on ait eu à lire en cette rentrée. Récit initiatique, empreint d’un réalisme magique, Minnow nous plonge au cœur des marais obscurs du Grand Sud américain, des ténèbres et des mystères qui les peuplent.

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Les paysages règnent en maîtres dans la fable que nous conte James E. McTeer II. Sorti quelques heures de chez lui pour se rendre à l’épicerie du village, Minnow, jeune garçon originaire de Caroline du Sud, voit s’éloigner très vite la perspective alléchante du soda promise par sa mère, quand le boutiquier lui annonce qu’il ne peut, hélas, lui procurer le médicament qu’il recherche. Le voilà donc lancé sur les traces de Sorry George, arrière-petit-fils d’un puissant sorcier, la quête a priori banale et facile d’un médicament capable de sauver son père se transformant en une dangereuse mission, en une renversante odyssée. Avançant prudemment sur les sentiers humides et escarpés de sa terre natale, le garçon, petit poisson forcé bien malgré lui de braver le fleuve, se méfie. Il se rappelle la mise en garde d’un vieux médecin vaudou, mieux connu sous le nom de « docteur Crow » : sur son chemin se dresseront trois menaces, trois dangers dont il a peu de chance de réchapper.

Créatures étranges, stupéfiants levers de soleil, ou villages dévastés par la force surnaturelle d’un ouragan, l’éclat de la plume de James E. McTeer II jaillit lorsqu’il nous guide dans les profondeurs et les méandres du Lowcountry. Page après page, la carte d’un territoire tout autant féérique qu’effrayant se dessine sous nos yeux ébaubis, ébahis que nous sommes par la puissance d’évocation d’une langue simplement mystique. Située dans l’entre-deux des 19ème et 20ème siècles, l’épopée de Minnow s’enracine dans le folklore de la culture Gullah, de ses légendes et des histoires transmises par les Anciens, le soir, au coin du feu.

Les histoires, de celles que l’on recueille précieusement à la veillée ou de celles que l’on récolte dans les livres, ont toujours possédé une dimension transformative. Ce pouvoir, que seules les histoires ont, peut être interprété de multiples façons. Dans le cas de l’ode à l’enfance sauvage déployée par James E. McTeer II, il s’agit d’une double transformation : celle intime d’un petit garçon, celle collective des hommes qui, dans leur délicate cohabitation avec Dame Nature, développent un incroyable talent de résilience. Difficile, en effet, à la lecture de ces quelques lignes évoquant un passé lointain de ne pas penser aux catastrophes les plus récentes :

“Aucun pépiement d’oiseau. Aucun aboiement. Il chercha son chien du regard. En refluant, le raz-de-marée n’avait laissé qu’un bourbier jonché de débris. Un cadavre dénudé gisait au pied du chêne. Pas celui de la femme. C’était un homme, avec un gros ventre, sa peau était d’un gris violacé et il était couché face contre terre. Corps, pièces de bois, branches rompues et briques se confondaient, pêle-mêle”.

James E. McTeer II, Minnow, Paris, Editions du sous-sol, parution le 25 août 2016, 237 pages, 19 euros.

Visuel : couverture du livre

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