Cinema
[Étrange Festival] “The last family”, chronique d’humour noir trop dispersée

[Étrange Festival] “The last family”, chronique d’humour noir trop dispersée

10 September 2017 | PAR Geoffrey Nabavian

Cette évocation de l’existence du peintre et ingénieur polonais Zdzislaw Beksinski – sans que beaucoup de ses œuvres soient montrées – constitue une déception. Le film se voudrait acide et cocasse. Il est surtout déjà-vu et ennuyeux.

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Des plans carrés, des vues de pièces, de portes, de cuisine, dans deux appartements polonais situés dans deux immeubles l’un en face de l’autre. Dans l’un, Zdzislaw Beksinski, sa femme, et leurs mères respectives. Dans l’autre, Tomasz, fils de la famille. Entre tout ce monde, des névroses, et des envies, parfois clouées au sol. Et tout ça, sur plusieurs décennies. Voici le programme, a priori excitant, de The last family, présenté à L’Étrange Festival 2017 dans la section Nouveaux talents. Film polonais qui met de surcroît en vedette, dans le rôle du chef de famille, ingénieur mais aussi peintre jovial de toiles habitées par sadomasochisme, araignées ou corps décomposés, Andrzej Seweryn. Interprète dans les films d’Andrzej Wajda notamment, et aujourd’hui Sociétaire Honoraire de la Comédie-Française.

Mais le film déçoit vite. Car l’humour, sensé être acide, a du mal à parvenir jusqu’à nous. Outre les beaux plans carrés, précis, des intérieurs asphyxiants des appartements, la mise en scène s’égare. Plans en extérieurs un peu fades, ou en vieux caméscope… Le caractère morbide de cette réalité pleine de folie qui couve, et la froideur détachée de ceux qui la vivent, ne sont donc pas sensibles. Pas perceptibles. Et avec leurs réactions, toujours exactement les mêmes, les personnages lassent vite.

En fait, chaque protagoniste apparaît vite enfermé dans une humeur, une folie précise. Et ce caractère, qui lui est assigné, s’exprime au long de scènes étirées, inutilement. La névrose du fils, ainsi, prétendument cocasse, semble donc très déjà-vue. Pas vraiment transfigurée. De même que la conscience de la mort qui vient, chez les deux grands-mères. Et le personnage le plus intéressant, le père, peintre (excellent Andrzej Seweryn) est bien peu détaillé, dans sa pratique. On regarde ses tableaux accrochés au sein des décors, de loin. C’est surtout sa personnalité au quotidien, qui semble intéresser le réalisateur. Sa manie de tout filmer, par exemple. Serait-ce au spectateur de relier les toiles suspendues dans les appartements aux actes de l’artiste ? Comprendre l’humour du film nécessiterait-il des connaissances sur l’histoire de la Pologne ?…

Peut-être le film, et ses deux heures moins une minute, méritent-ils un deuxième visionnage. On n’a peut-être pas tout saisi. Et au fait, pourquoi cette famille, décrite, et qui meurt peu à peu, serait-elle la dernière ?… Une scène, où un acheteur tente de négocier les tableaux du père, donne peut-être une clé. L’artiste refuse, s’estimant tout petit, soumis à une galerie. Du petit, de l’infime, des minuscules accidents de l’existence, surgirait la grandeur, peut-être ? Le tragique ? On cogite, un peu vainement…

L’Etrange Festival 2017, qui se tient au Forum des images à Paris jusqu’au 17 septembre, The last family repasse le jeudi 14 septembre à 14h45.

The last family, un film de Jan P. Matuszynski. Avec Andrzej Seweryn, Aleksandra Konieczna, Dawid Ogrodnik, Zofia Perczynska, Danuta Nagorna, Andrzej Chyra, Alicja Karluk, Magdalena Boczarska. Durée : 1h59.

Visuels : © Potemkine / HBO Europe

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Geoffrey Nabavian
Parallèlement à ses études littéraires : prépa Lettres (hypokhâgne et khâgne) / Master 2 de Littératures françaises à Paris IV-Sorbonne, avec Mention Bien, Geoffrey Nabavian a suivi des formations dans la culture et l’art. Quatre ans de formation de comédien (Conservatoires, Cours Florent, stages avec Célie Pauthe, François Verret, Stanislas Nordey, Sandrine Lanno) ; stage avec Geneviève Dichamp et le Théâtre A. Dumas de Saint-Germain (rédacteur, aide programmation et relations extérieures) ; stage avec la compagnie théâtrale Ultima Chamada (Paris) : assistant mise en scène (Pour un oui ou pour un non, création 2013), chargé de communication et de production internationale. Il a rédigé deux mémoires, l'un sur la violence des spectacles à succès lors des Festivals d'Avignon 2010 à 2012, l'autre sur les adaptations anti-cinématographiques de textes littéraires français tournées par Danièle Huillet et Jean-Marie Straub. Il écrit désormais comme journaliste sur le théâtre contemporain et le cinéma, avec un goût pour faire découvrir des artistes moins connus du grand public. A ce titre, il couvre les festivals de Cannes, d'Avignon, et aussi l'Etrange Festival, les Francophonies en Limousin, l'Arras Film Festival. CONTACT : [email protected] / https://twitter.com/geoffreynabavia

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