![[Compétition] L’événement « Leviathan » : belle Russie qui châtie](https://toutelaculture.com/wp-content/uploads/2014/05/Leviathan-2-640x430.jpg)
[Compétition] L’événement « Leviathan » : belle Russie qui châtie
Sans manichéisme, avec des personnages forts, suprêmement russes sans doute, Andreï Zviaguintsev, réalisateur du Retour, du Banissement ou du récent Elena, nous livre une cruelle peinture de la déchéance d’êtres enchaînés, par leur vie comme par la corruption. Les temps ont passé, on n’est plus chez Dostoïevski: il n’empêche que l’âme russe, elle, continue à faire des ravages, et à produire des oeuvre lyriques.
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Paysages amples, au relief prononcé, dans les eaux desquels s’entassent des épaves de bateaux et pas que ; hommes énervés du matin au soir ; bouteilles de vodka, vidées très vite : bienvenue au Nord de la Russie. Dans la province où se passe Leviathan, c’est le plus corrompu qui fait la loi. En l’occurrence le maire Cheleviat, masse suante et teigneuse, qui entend raser la maison de notre héros, l’instable Kolia, pour y implanter des bâtiments à son profit. Heureusement, au début du film, le beau Dmitri, juriste ami de Kolia, débarque de Moscou pour tout arranger. On se prend d’empathie pour lui lorsqu’il lutte avec le maire… avant de s’apercevoir que, s’il est un brave type, il est par ailleurs venu retrouver Lilya, femme de Kolia…
En Russie, tout se paie, d’une façon ou d’une autre : tel semble être le message d’Andreï Zviaguintsev. Comment dès lors ne pas être paranoïaque ? Et ne pas devenir violent ? Tout le monde résiste à ses démons, même Cheleviat, qui consulte le responsable de la paroisse sur des questions touchant à Dieu. Mais les démons reviennent…
Toujours est-il qu’ils laissent tout de même le temps à l’humanité de leurs victimes de s’exprimer. Lors d’un pique-nique, par exemple, Kolia, Lilya et leurs « amis » s’adonnent à des jeux dangereux, qui leur plaisent. On a le droit d’en rigoler avec eux, même si cela nous effraie… La réussite de Zviaguintsev se situe ici : son attachement à la durée lui permet de saisir toutes les facettes de ceux qu’il observe.
Faut-il rappeler par ailleurs ses qualités de cinéaste ? Musique très belle, plans étudiés, accessibles à tous, travail des scènes, et superbes interprètes: Aleksei Serebryakov (Kolia), bon père aux allures de bête rongée, Roman Madianov, gros maire pourri qui lui fait face, ou Vladimir Vdovichenkov, au magnifique double jeu… Sans oublier Elena Lyadova en épouse perdue. Grâce à eux, et à ceux qui les entourent, on y croit. Même si quelques artifices scénaristiques agacent un peu, on est en droit de reconnaître Leviathan comme une très belle oeuvre. Belle car à la fois lyrique, politique et romanesque. Et en termes plus simples, humaine, tout simplement.
Leviathan, un film d’Andreï Zviaguintsev avec Aleksei Serebryakov, Roman Madianov, Vladimir Vdovichenkov, Elena Lyadova. Drame russe, 2h20.
Visuels: © Pyramide Distribution
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