
Cannes 2023, Compétition : Banel et Adama, juste combat un peu trop beau
Dans un Sénégal rural marqué par les traditions, un amour fou tente d’exister au grand jour. Beau mais un peu trop esthétisé.
Un village au Nord du Sénégal. La vie s’y organise surtout en fonction de traditions anciennes. Être chef, femme ou lié pour toujours à sa famille sont des notions codifiées, qui ne se discutent que peu. Banel et Adama, eux, veulent pourtant s’en aller et vivre de leur côté. Des questions de mariages obligés ont longtemps reculé le fait qu’ils puissent s’aimer. À présent qu’ils le peuvent et le montrent, leur entourage au village ne les lâche pas pour autant. Montrer de la passion est mal vu. Vouloir s’en aller aussi.
La réalisatrice de ce long-métrage d’amour contrarié, Ramata-Toulaye Sy, est extrêmement douée. Elle compose des images splendides. Surtout, on aime que son film, malgré sa trame très écrite, parvienne à laisser du temps aux choses. À ce titre, les scènes de dialogue par exemple – qui voient des conflits s’exprimer verbalement – ne paraissent pas purement démonstratives ou sur-significatives. Elles mettent aussi en avant la marche du temps, des habitudes, des êtres et des traditions, dans ce village.
On salue la réalisatrice au final car elle semble surtout chercher, par le rythme qu’elle donne à son film, à s’approcher au plus près de la vie de l’endroit où elle situe son histoire. C’est elle qui paraît compter le plus, davantage que la dénonciation. Le volet engagé et le combat juste portés par le long-métrage semblent surgir de cette vie qui s’agite, à l’écran.
Les deux interprètes centraux sont comme au diapason de cette quête sensible : ils demeurent extrêmement naturels. Khady Mane se révèle lumineux en Banel, et Mamadou Diallo, forte envers tout en Adama. Il n’en reste pas moins hélas que le film arbore un défaut pas idéal : il semble un peu trop beau. On sait que parfois des longs-métrages sont taxés de trop directement réalistes. Celui-ci semble de temps à autres un peu trop esthétisé tout de même.
Et si elle paraît choisir de s’approcher près du rythme vivant de l’existence de ses personnages, la réalisatrice s’attarde un peu trop par ailleurs sur de grandes notions abstraites. On aurait peut-être aimé qu’elle nous balade au gré de faits plus concrets. On aurait dès lors saisi toute la difficulté du combat des héros via eux. En des endroits, au lieu de ça, la cinéaste semble très directement pointer du doigt ce qui n’est pas bien. Pas idiot, mais du même coup, on sort de l’histoire, lorsque cela vire à l’excessif. Après, son but est peut-être aussi de viser au conte… On la remercie en tout cas pour cette promesse tenue : celle de rencontrer un vrai talent, et sensible avec ça.
Banel et Adama sortira dans les salles de cinéma françaises distribué par Tandem.
Le Festival de Cannes 2023 continue jusqu’au 27 mai.
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Visuel : © Best Friend Forever