
A l’Étrange Festival, un “Baby Bump” délirant qui recèle de l’abscons et des pépites
Même si sa mise en scène, très travaillée, avale parfois ses personnages, ce film polonais donne à voir quelques jolies trouvailles, personnelles, et de magnifiques acteurs, embarqués dans le récit haché d’un passage à l’adolescence.
[rating=3]
Après Dark Circus, balade très réussie découverte à l’Étrange Festival, Baby Bump, du polonais Kuba Czekaj, propose un nouveau parcours initiatique, dans la section “Nouveaux talents” : celui d’un gamin de onze ans, Mickey, près de devenir adolescent. Il vit dans un monde où les êtres font penser à des personnages de dessin animé. A moins qu’il ne s’agisse que de sa perception à lui… Pas vraiment souriant, pas vraiment bavard, il a aussi au fond de lui – au sens propre – un petit lapin dessiné, à la langue bien pendue, qu’on va beaucoup entendre en voix-off.
Le film raconte une histoire, plutôt bien déroulée : les camarades de classe présents au début disparaissent au bout d’un moment, et on ne quitte quasiment plus la maison de Mickey, où un face-à-face se tient entre lui et sa mère. Le corps, et tout ce qu’il secrète, sont très présents dans Baby Bump : pisse, vomi… Mais ces éléments ont parfois du mal à fonctionner ensemble, et à faire sens, tant le montage, nerveux, tend à les isoler les uns des autres, à en faire le centre de scènes un peu absurdes, mais un peu vaines aussi. Du même coup, l’univers visuel créé par le réalisateur, très fort, n’atteint pas vraiment non plus à une vraie folie anti-cartoonesque : un effet d’empilement se fait sentir, plutôt, les scènes sont courtes, sans doute trop… On voit l’artiste à l’oeuvre, il ne s’efface pas assez. Enfin, le film nous a été présenté sans sous-titres français, en langue originale – la plupart des dialogues étant en anglais – et les parties parlées du lapin y ont néanmoins une grande importance. Difficile, souvent, donc, d’apprécier le décalage entre les actes de Mickey et les phrases envoyées par son démon gardien, plutôt attachant au passage.
En un tel cas, on se concentre alors plutôt sur les performances des deux acteurs principaux, le tout jeune Kacper Olszewski, et sa mère, jouée par la très juste Agnieszka Podsiadlik. Et pour quelques passages déjà-vus – les scènes de dialogue par Internet, le personnage du surveillant qui s’installe chez le héros, ou la figure de la mère, pas toujours subtile – d’autres moments produisent un vrai trouble, ou une vraie émotion : on pense à la scène burlesque très réussie entre cette mère et son garçon, où celui-ci a tout à coup une érection, ou à l’oeuf, graphique et troublant, qui intervient vers la fin du film, ou encore à la confrontation avec le lapin animé. En bref, voilà un film bizarre, et certainement pas dénué de qualités.
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Visuel : © Etrange Festival / Kuba Czekaj