
La Quinzaine: “Agra” de Kanu Behl, pour quelques mètres carrés d’intimité
En 2014, le premier film de Kanu Behl, Titli une chronique indienne, était sélectionné à Un certain regard. Avec Agra, le réalisateur nous montre une vue de coupe de la société indienne, dérangeante, brutale. Le manque d’espace attaque jusqu’au système nerveux.
Agra nous place face à une réalité peu agréable à voir. Guru (Mohit Agarwal), jeune antihéros de 23 ans, est hanté par des fantasmes sexuels permanents. Entassée dans deux pièces exigues, sa famille compte la mère, la cousine, le père, qui a refait sa vie à l’étage avec sa deuxième femme et s’apprête à en accueillir une troisième. La virilité du père rabaisse encore plus le fils, qui rêve vaguement d’un mariage, mais avec qui ? Car, dans cette société si hiérarchisée, il ne constitue pas un bon parti.
Trop long, le film nous impose des scènes de frustration sexuelle qui auraient pu être seulement suggérées. La seconde partie, plus intéressante, suit les efforts de Guru pour se construire un petit espace de vie à lui, soit quelques mètres carrés de gagnés sur la cellule familiale. Le rythme, proche alors du thriller, devient plus vif et nous mesurons, au plus précis, le prix d’une bien maigre liberté.
Kanu Behl filme un système social, familial, très oppressant. Le personnage principal, enfermé dans sa névrose, suscite peu de sympathie a priori. Âpre, Agra distille un malaise sourd, qui se propage. Comment rêver dans une société où tout est cadenassé ?
Agra de Kanu Behl, Inde, 2h12, 2023, avec Mohit Agarwal, Priyanka Bose, Vibha Chibber, Rahul Roy, Aanchal Goswami. La Quinzaine, Cannes 2023.
visuels: photo officielle du film.©