« Matière et Mémoire : la Demeure du Patriarche » à la galerie parisienne Jeanne-Bucher
La galerie parisienne Jaeger Bucher/ Jeanne-Bucher propose jusqu’à samedi l’exposition “Matière et Mémoire: la Demeure du Patriarche”, l’occasion de découvrir les œuvres des artistes exposés par le galeriste Jean-François Jaeger depuis 66 ans, de Bissière à Dubuffet en passant par de Staël et Vieira da Silva.
Il est des galeries plus chargées d’histoire et d’anecdotes que d’autres. La galerie Jaeger Bucher / Jeanne-Bucher, qui couvre deux espaces, un dans le quartier de l’Odéon et un autre dans le Marais, est de celles-ci. Depuis près de 90 ans, cette galerie parisienne est au service de nombreux artistes, français et internationaux, dont certains très célèbres tels de Staël, Dubuffet, Vieira da Silva ou Hans Reichel, un proche de Paul Klee.
Fondée en 1925 par Jeanne Bucher, cette galerie a été reprise après son décès par Jean-François Jaeger en 1947. A l’époque, seulement âgé de 23 ans, il n’avait pas les connaissances et le carnet d’adresses de la fondatrice du lieu. Mais sa passion et sa détermination lui ont permis de devenir un galeriste incontournable de la scène artistique de ces 70 dernières années et d’avoir aujourd’hui les honneurs d’une exposition. Elle rassemble les chefs-d’œuvre de ses artistes phares à l’occasion de ses 90 ans, le tout orchestré par sa fille Véronique.
Des rencontres inoubliables
Certes, Jeanne Bucher avait déjà découvert de nombreux artistes dont l’américain Mark Tobey (découvert aux Etats-Unis où elle s’était réfugiée pendant la seconde guerre mondiale), Giacometti, Vieira da Silva, Hans Reichel et Nicolas de Staël, exposé à la galerie dés 1945.
Mais Jean-François Jaeger va faire des rencontres déterminantes lorsqu’il reprend la galerie en 1947. La plus importante est celle avec Roger Bissière, un artiste pour le moins atypique. Après la guerre, ce proche de Georges Braque part dans le Lot et cherche à trouver un second souffle à sa carrière. Il trouve en Jaeger un galeriste susceptible de le faire connaître car contrairement à ses collègues, Jaeger ne cherche pas des noms célèbres à exposer mais tout simplement des artistes talentueux. Réciproquement, Bissière, qui peint à l’œuf et réalise des tapisseries avec des bouts d’étoffe, lui apprend les ficelles d’un métier qu’il découvre.
L’autre rencontre intéressante durant ces années est celle avec Jean Dubuffet, à l’origine du courant de l’art brut. Une relation de confiance s’est établie avec Jaeger alors que le peintre est rustre et peu aimable comme en atteste leur première rencontre en 1964 lorsque Dubuffet lui lance : « Ce n’est pas la peine d’essayer de m’expliquer ce que j’essaie de faire actuellement, je ne sais pas moi-même actuellement ce que cela signifie ».
Bousculer les conventions
Jean-François Jaeger est un galeriste hors norme. Il expose des artistes nouveaux, quitte à susciter le débat au sein du public. Comme vous le verrez à l’exposition, il expose les artistes féminines et notamment la plus célèbre de toutes, la portugaise Maria Helena Vieira da Silva. Pour Jaeger, les femmes sont davantage dans l’intériorité que les hommes et certaines proposent des œuvres aussi immenses qu’étonnantes, Abakan Lady de Magdalena Abakanowicz, réalisée en fibre végétale, et Shadow and Reflection I, signée Louise Nevelson en 1966.
Comme vous le verrez également dans l’espace historique du 53 rue de Seine dans le 6ème (la galerie y est installée depuis 1960), Jaeger s’est attaché à faire découvrir des cultures étrangères, les Arts Premiers, les masques et les poteaux de la Nouvelle-Guinée, de l’Ancien Mexique, mais aussi des œuvres en provenance de l’Orient (avec notamment des artistes chinois et japonais).
Enfin, celui qui fête ses 90 ans et ses 66 ans de galeriste a également cherché à populariser l’Art Public. Au 7 rue de Saintonge, vous verrez quelques exemples de grands ouvrages réalisés et exposés dans l’espace public tels l’impressionnant Le Doute et la pierre de Jean Amado, réalisé en ciment de basalte, et la maquette de l’Axe-majeur de l’architecte Dani Karavan, que l’on peut admirer en vrai à Cergy dans le Val d’Oise.
Matière et Mémoire : la Demeure du Patriarche est une formidable rétrospective de certains des plus grands artistes de l’après-guerre mais aussi moins connus et surtout un hommage à un galeriste très modeste et pourtant renommé, avant-gardiste et découvreur de talents. Et quel plus bel hommage que d’avoir dans cette exposition des prêts des musées nationaux et de fondations, tels le Centre Pompidou et la Fondation Dubuffet.
Christophe Dard
INFORMATIONS PRATIQUES:
Matière et Mémoire: la Demeure du Patriarche / Jusqu’au samedi 25 janvier
Galerie Jeanne-Bucher
53 rue de Seine 75006 Paris
Du mardi au vendredi de 10h à 18h et le samedi de 10h à 12h30 et de 14h30 à 18h.
01 44 41 69 65
www.jeanne-bucher.com
Galerie Jaeger Bucher
5 & 7 rue de Saintonge 75003 Paris
Du mardi au samedi de 11h à 19h
01 42 72 60 42
www.galeriejaegerbucher.com