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Tomas Saraceno : une proposition vibrante au Palais de Tokyo

Tomas Saraceno : une proposition vibrante au Palais de Tokyo

20 October 2018 | PAR Diane Royer

Le Palais de Tokyo donne carte blanche à Tomas Saraceno, à l’occasion de l’exposition « On Air »présentée jusqu’au 6 janvier 2019.

« Le cosmos est en nous. Nous sommes faits de poussière d’étoiles. Nous sommes un moyen pour l’univers de se connaître lui-même. » Carl Sagan

Tomas Saraceno a-t-il une araignée au plafond ? En pénétrant dans l’espace d’exposition consacré à son œuvre, le visiteur pourra au moins découvrir le sublime travail de ses fileuses. Réalisés par des espèces différentes que l’artiste a réunies, les ouvrages présentés sont hybrides, compositions composites. Chef d’orchestre de ces sculptures de fil, Saraceno parvient à accorder les rythmes variés, à concevoir des créations uniques, évolutives et éphémères. Les œuvres semblent, néanmoins, s’intégrer à l’écosystème des salles d’exposition du Palais de Tokyo ; sans doute, les araignées résidant au 13, avenue du Président Wilson viennent-elles se joindre aux collaboratrices berlinoises de Tomas Saraceno.
Les araignées ne sont pas les seules à participer à l’édification des œuvres de Saraceno. Les visiteurs prennent, eux aussi, part à cette construction. L’ensemble de l’exposition est, en effet, conçu comme une entité sur laquelle chaque élément influe, dans laquelle tous les corps s’interpénètrent. Aussi, la présence du public conditionne-t-elle l’intensité lumineuse éclairant les toiles, elle-même réglée à partir des vibrations que les toiles d’araignées transmettent.
Une salle entière est dédiée à une œuvre sonore, dans laquelle le spectateur peut expérimenter sa propre action sur son environnement direct en faisant vibrer des fils tendus et disposés dans la salle.
Tomas Saraceno invite donc le public à reconsidérer l’impact macro et micro, cognitif et sensoriel, qu’il a sur son biotope. Il rappelle également que l’homme n’est pas le seul acteur, bien au contraire, qu’il évolue dans un milieu qui le transcende, inéluctablement.

Les œuvres, à la fois participatives et expérimentales, sont empreintes de poésie. Elles s’inspirent de phénomènes naturels pour proposer des alternatives à nos modes de production et de consommation.
Dans un renfoncement, une étrange pierre sous cloche retransmet les ondes radioélectriques d’une station créée par les Mapuches, un ensemble de communautés aborigènes établi au Sud de l’Argentine. Ainsi, la technologie inhérente à la nature peut-elle aisément se substituer à celles que l’homme a mises au point. Les recherches de Tomas Saraceno participent alors à faire connaître ces alternatives. D’autres exemples sont développés au fil de l’exposition, tels que les ballons tissés par des araignées, dont elles se servent pour migrer au gré du vent, ou, encore, l’argyroneta aquatica, une espèce d’araignée aquatique respirant une bulle d’air retenue sous son abdomen et formée au préalable à la surface de l’eau.
Sujets fascinants, ces démonstrations presque merveilleuses pourraient raviver l’intérêt de l’homme pour la nature, lui permettre de s’en inspirer, et contribuer à tisser des liens plus respectueux avec celle-ci.

S’inscrivant dans la veine de l’ensemble des réflexions relatif à l’Anthropocène, Tomas Saraceno est le fondateur d’Aérocène. Communauté interdisciplinaire, elle propose un projet collaboratif avec le public : la création de sculptures aérosolaires. Les visiteurs sont invités à assembler des sacs plastiques pour concevoir ces œuvres. Le geste écologique, donnant une seconde vie à des rebuts, s’inspire d’un phénomène naturel, celui des réalisations des araignées voyageuses. En réponse à cette période anxiogène, dans laquelle les scientifiques n’ont de cesse de rappeler l’urgence de la situation climatique, les politiques restant sourds à ces appels, la proposition de Tomas Saraceno suscite l’imagination et appelle à la mobilisation individuelle et collective.
Aérocène démontre que les questions environnementales trouvent un écho dans le champ social et politique. Si l’eau est une denrée universelle, l’air l’est également. La circulation aérienne et terrienne devrait donc être libre, dénuée de frontières arbitraires. Aussi, l’exposition « On Air » semble-t-elle appeler à une symbiose totale entre les individus de l’espèce humaine, de l’homme avec son environnement.

Les vibrantes recherches de Tomas Saraceno avaient déjà été présentées au Palais de Tokyo, en 2015, à l’occasion de la manifestation artistique « Le Bord des mondes », puis lors de l’exposition hors les murs « Voyage d’hiver » montrée dans les jardins du château de Versailles.

Visuels :

Tomás Saraceno ON AIR, Carte blanche au Palais de Tokyo, Paris, 2018. Commissaire :Rebecca Lamarche-Vadel. Courtesy de l’artiste ; Andersen?s, Copenhague ; Esther Schipper, Berlin ; Pinksummer Contemporary Art, Gênes ; Ruth Benzacar, Buenos Aires ; Tanya Bonakdar Gallery, New York. © Photographie Andrea Rossetti, 2018.

Tomás Saraceno, ON AIR, solo exhibition at Palais de Tokyo, Paris, 2018, curated by Rebecca Lamarche-Vadel. Courtesy the artist; Andersens, Copenhagen; Esther Schipper, Berlin; Pinksummer Contemporary Art, Genoa; Ruth Benzacar, Buenos Aires; Tanya Bonakdar Gallery, New York. ©Photography Studio Tomás Saraceno, 2018.

 

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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