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L’exposition « Les canons de l’élégance », reflet du prestige des armées

L’exposition « Les canons de l’élégance », reflet du prestige des armées

27 October 2019 | PAR Magali Sautreuil

Que ce soit dans le civil ou dans le militaire, le paraître est signifiant. La tenue et les accessoires que l’on porte reflètent en effet non seulement notre statut social, mais aussi nos valeurs, notre réussite et bien d’autres choses encore… Laissez-vous conter donc l’histoire des canons de l’élégance pour découvrir ce qui se cache derrière le faste militaire.

En guise de mise en bouche à l’exposition Les canons de l’élégance ou pour tester vos connaissances après votre visite, le musée de l’Armée, en partenariat avec Artips, vous propose un cours en ligne consacré à l’uniforme sous toutes ses coutures du XVIIe siècle à nos jours, sous forme de quatre capsules de huit minutes chacune, dont le contenu scientifique a été vérifié par Dominique Prévôt, un des commissaires de l’exposition. Une manière ludique de découvrir l’histoire et l’évolution de l’uniforme ! http://arti.ps/museearmee

Un excellent complément à cette exposition qui réunit près de 240 objets ou ensembles d’objets, comprenant des pièces d’armurerie, d’uniforme ou d’équipement. Cet important corpus nous permet de suivre et de comprendre l’évolution des canons de l’élégance du XVIe siècle à nos jours.

Plus de deux-tiers de ces chefs d’œuvre d’art décoratif proviennent des collections du musée de l’Armée et plus particulièrement de ses réserves. Les expositions temporaires constituent d’ailleurs une excellente occasion non seulement de valoriser son fonds patrimonial, mais aussi de restaurer au fur et à mesure les collections qui en auraient besoin. Les ateliers de restauration du musée, ainsi que les élèves de l’école Boulle pour certaines pièces, ont donc largement contribué à la réalisation de cette exposition.

Les élèves de l’École Boule des classes d’orfèvrerie, de sertissage… ont notamment participer à la restauration de l’épée de diamants de Louis XVI et de son fourreau, associés à une eau-forte réalisée en novembre 1789, qui présente cet ensemble intact. Jusqu’à l’année dernière, ce joyau de la Couronne était considéré comme perdu. Ce n’est qu’en établissant un lien entre la gravure versaillaise d’une part et, d’autre part, la lame et le fourreau, qui se trouvaient depuis maintes décennies dans les collections du musée de l’Armée, que les conservateurs ont réalisé qu’il n’en était rien. L’épée, dont la monture et le fourreau étaient garnis de près de 2200 diamants roses, n’a été portée qu’une seule fois par Louis XVI, lors de l’ouverture des États généraux, en mai 1789. Remisée au Garde-meuble, elle y a été dérobée en 1792. La lame en acier bleui gravé de fleurs de lys dorés et le fourreau en peau de reptile gainé sur une âme en bois ont été retrouvés seuls, sur un toit, sans les diamants, bien entendu… 

Modèle de l’épée de Louis XVI (© Château de Versailles, Dist. RMN-Grand Palais / image château de Versailles).

Pour nous plonger dans le faste et le prestige du décorum des armées, nous sommes accueillis par une haie d’honneur, formée par des couteaux de brèche de la Garde impériale en fer bleui, gravé et doré. Dès le début, le ton est donné. Chaque objet présenté rivalise en effet avec le précédent que ce soit au niveau de son histoire, de ce qu’il symbolise, de ses matériaux ou de sa réalisation technique. 

Symbole du pouvoir politique, distinction honorifique, marque d’appartenance ou cadeau diplomatique, les objets militaires peuvent revêtir une multitude de sens, dont cette exposition se fait l’écho. 

Certains ont même une fonction commémorative, telle que la bague offerte à un officier de l’armée royale qui accompagna le roi Louis XVIII en Belgique au retour de l’Empereur Napoléon Ier pendant les Cent-Jours. Elle porte la mention « Vive le roi quand même », à la lecture de laquelle un sourire nous a échappé…

Bien que l’exposition comporte douze séquences différentes, dans la majorité, transparaît la volonté d’affirmer son rang et son statut. Chaque salle semble ainsi être l’approfondissement de la précédente. Cette volonté est plus ou moins marquée selon les époques. Par exemple, au XVIIe siècle, le luxe dont s’entourent les officiers n’a pour seule limite que leurs moyens financiers. De nos jours, les tenues sont plus sobres et plus passe-partout… Toutefois, certains militaires semblent avoir  la fibre artistique et être un brin philosophe. Il en est ainsi de Roger Appert, un membre du 5e bataillon colonial de commandos parachutistes, ayant servi pendant la guerre coloniale d’Indochine. Il a fait personnaliser par un camarade le dos de sa veste de saut en toile kaki foncé modèle 1947 d’une étonnante peinture inspirée de la célèbre pièce de théâtre de William Shakespeare, La Tragique Histoire d’Hamlet, prince de Danemark. Hamlet y est représenté méditant sur la Mort et tenant le crâne de Yorick, l’ancien bouffon du roi du Danemark. Cette illustration s’inscrit dans la tradition des memento mori et rappelle que l’Homme n’est rien face à la mort…

Veste de saut modèle 1947 de Roger Appert (© Paris – Musée de l’Armée, Dist. RMN-Grand Palais / Christophe Chavan).

À partir du XIXe siècle, l’administration civile s’empare des fastes militaires et, un siècle plus tard, c’est autour des créateurs de mode, ce qui donne lieu à des créations originales et à des mariages surprenant. Par exemple, le « Duffle-Coat », ce fameux manteau mi-long en laine à  capuche porté à l’origine par les soldats de la Royal Navy (marine britannique) est repris dans la collection automne-hiver 2015 de Dries van Noten. Chaud et confortable, cette pièce est un incontournable de la mode hivernale. D’ailleurs, le maréchal anglais Bernard Law Montgomery ne s’y ait pas trompé. La rumeur prétend qu’il ne s’en séparait jamais, même pour dormir !  Jean-Paul Gaultier lui-même s’est prêté à l’exercice avec sa robe camouflage, qui détourne le principe de cette tenue militaire pour être vu. 

Ultime salle de l’exposition (© Musée de l’Armée-Paris).

Pour magnifier les collections exposées, la scénographie est à la fois sobre et élégante. Elle pourrait même être qualifiée de chic minimaliste.

Reflet du thème de l’élégance abordé dans l’exposition, les parois de certaines vitrines ne sont pas en verre, mais en tulle noir. Cela est du plus bel effet et permet de mieux apprécier les objets exposés car il n’y a pas de reflet. 

L’harnachement mamelouk, témoin de la bataille des Pyramides qui opposa en 1798 les troupes françaises conduites par le général Bonaparte aux Mamelouks, est ainsi particulièrement bien mis en valeur. Nous pouvons admirer sans aucune gêne les cabochons en or sertis de lapis-lazuli, de grenat et de corail, qui ont été nettoyés un par un, avec beaucoup de minutie, par les ateliers de restauration du musée de l’Armée, dans le cadre de cette exposition.

Harnachement Mamelouk derrière du tulle (© Musée de l’Armée-Paris).

Un soin particulier a également été apporté aux informations données aux visiteurs. En plus des panneaux de section qui introduisent la thématique des différentes salles, chaque objet bénéficie de cartels développés, ce qui permet au public de piocher dans le panel d’informations qu’il a à disposition sans avoir à se documenter en amont ou après coup sur le sujet qui l’intéresse ! 

Les objets ont été répartis en deux sections : celles en bleu foncé sont consacrées aux usages militaires et paramilitaires, tandis que celles en orange sont dédiées aux matériaux et aux techniques, un choix qui sort quelque peu de l’ordinaire.

Dans cette seconde section, un pan de mur représente le matériau abordé dans la salle. Les objets y ont été sélectionnés pour leurs qualités esthétique et d’exécution, qui témoignent de l’excellence du savoir-faire de leurs artisans, dans les domaines suivants : métal, broderie, cuir, peau, ivoire, émail, poils et plumes.

Section émail (© Musée de l’Armée-Paris).

Certains de ces chefs d’œuvres combinent plusieurs matériaux, comme la bourguignotte et rondache « à la Chimère », en fer forgé repoussé et doré, fils métalliques et soie, réalisées vers 1560, constituent la parfaite synthèse des deux matériaux : le métal et la broderie. Somptueux présent au décor maniériste, ces pièces ont conservé leur garniture en velours de soie brodé de motifs de fils d’or et d’argent faisant écho aux rinceaux qui se déploient sur la surface métallique.

Rondache de « l’ensemble à la chimère » (© Paris, musée de l’Armée, Dist. RMN-Grand Palais / Tony Querrec).

Nous avons également découvert à cette occasion que la peau de raie pouvait être tannée pour obtenir du cuir !!! Le sabre à la Batorowska en galuchat (peau de raie), acier, laiton doré, cuir et bois, qui est exposé, témoigne de cette technique extrêmement difficile à maîtriser venue d’Extrême-Orient et qui est attestée en Europe dès le XVIe siècle. 

Dans la salle consacrée au cuir et aux peaux, le jeune public est invité à toucher les différents types de peaux. Une découverte tactile des matériaux qui rend la visite interactive et ludique. D’autres panneaux à l’attention des enfants sont disséminés dans le parcours d’exposition. Un livret-jeux français/anglais est également mis à leur disposition.

Les salles techniques sont ainsi l’occasion de s’attarder sur la technique qui se cache derrière les objets que nous considérons comme chefs-d’oeuvre, ce qui est souvent occulté par la nature de la commande ou de leur propriétaire. 

Concerts, projections cinéma et conférences complètent cette exposition pour vous donner tous les codes pour être sur votre « trente et un ». En tout cas, cette exposition est un véritable défilé de mode, qui suscite un réel émerveillement de par la qualité des pièces exposées. 

Les canons de l’élégance, exposition présentée du 10 octobre 2019 au 26 janvier 2020, tous les jours, de 10h à 17h et jusqu’à 17 h 30 durant les vacances scolaires, au musée de l’ Armée, à Paris.

Retrouvez l’actualité du musée de l’ Armée sur son site Internet (ici), sur sa page Facebook (ici), sur son son compte Instagram (ici), sur son compte Twitter (ici) et sur sa chaîne YouTube (ici).

Visuel : Affiche officielle © Wijntie van Rooïijen & Pierre Péronnet

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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