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La magnifique rétrospective de Daniel Dezeuze au musée de Grenoble

La magnifique rétrospective de Daniel Dezeuze au musée de Grenoble

13 November 2017 | PAR Maïlys Celeux-Lanval

Il est l’homme des objets récupérés, montrés à nus, repeints, tordus et assemblés. Il est l’homme qui chine, qui fabrique des œuvres d’art à partir d’un rien, d’une gaze colorée, du châssis d’un tableau, de l’armature d’une valise. L’artiste français Daniel Dezeuze (né en 1942) voit l’œuvre d’une vie mis en valeur à travers une vingtaine de salles au musée de Grenoble, qui nous étonne une nouvelle fois par la finesse de son accrochage et la beauté lumineuse de ses espaces. Une rétrospective majeure, à voir du 28 octobre 2017 au 28 janvier 2018.

Saison après saison, les salles destinées aux expositions temporaires du musée de Grenoble se transforment. On connaît désormais bien leur parcours qui serpente et se termine en apothéose dans le grand hall final, où les installations d’art contemporain s’illuminent face à l’immense verrière du musée – verrière qui donne à voir un grand parc derrière un bassin d’eau miroitante. Le dernier artiste à s’être emparé de ces espaces de façon magistrale est sans conteste Giuseppe Penone en 2014 ; impossible de ne pas y penser face à la magistrale réussite de l’accrochage de Daniel Dezeuze, dont l’œuvre répond à celle de l’artiste italien en utilisant, elle aussi, des matériaux pauvres.

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Guy Tosatto, directeur du musée, a en effet le chic de donner beaucoup d’espace et de dignité à des œuvres discrètes, pour mieux mettre en évidence leur portée politique. Prenons par exemple la salle des Objets de cueillette (1992-1995) de Daniel Dezeuze : appuyées contre le mur, ces longues tiges qui ressemblent à des cannes à pêche de fortune nous défient de leur hauteur et semblent pouvoir attraper les rêves. Légers, graciles, fabriqués comme des jouets et colorés, ces Objets de cueillette évoquent à la fois la débrouille de celui qui n’a rien et la poésie de l’artisanat modeste, du bricolage. Même impression face aux Réceptacles de la même période, qui rappellent les drôles de valises que se trimballent les hommes qui n’ont nulle part où dormir : assemblages hétéroclites, ces contenants sans valeur sont pourtant merveilleusement riches de formes et d’idées. On s’émeut encore face aux valises vides des années 2015-2017, bagages aux parois de gaze ou dénudés, qui résonnent selon Guy Tosatto avec le dénuement des migrants.

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Daniel Dezeuze capte l’air du temps avec des œuvres pauvres, qui défient la surenchère technologique et la folie des marchés économiques ; c’est d’ailleurs ce qui motivait ses premiers gestes d’artistes, lui a contribué à la fondation de Supports/Surfaces en 1970 pour redéfinir l’art dans un monde capitaliste. En montrant les châssis de bois de tableaux sans toile, il défiait l’art bourgeois et mettait en valeur l’espace, l’idée. Ces châssis rectangulaires l’ont mené vers l’idée des échelles, toujours dans les années 70, échelles peintes ou souples, qui s’enroulent ou dont les lames se défont, se détachent. Plus austères, ces premiers travaux sont pourtant éloquents en révélant la matérialité de l’art, ses besoins, reliant le musée (mort ?) à la vie.

img_6072Car cet art de l’objet fait apparaître les coutures et les coulisses de la création artistique, car il ne dissimule pas les produits manufacturés qu’il utilise et laisse apparaître l’historique du geste, il replace la création au cœur de l’espace d’exposition. Ici, on imagine parfaitement l’artiste faire, penser, hésiter, tisser, sculpter ; dans ces salles inondées de lumière et grâce à une scénographie limpide, Daniel Dezeuze apparaît comme un espoir, une invitation à l’action. Peu importe si la révolution est bricolée : le rêve, lui, est solide.

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Informations pratiques : 
Daniel Dezeuze au musée de Grenoble
Du 28 octobre 2017 au 28 janvier 2018
Ouvert tous les jours sauf le mardi, 10h-18h30
Tarifs : 8€ (plein), 5€ (réduit)

Infos pratiques

La Compagnie Nova
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Bastien Stisi
Journaliste musique. Contact : [email protected] / www.twitter.com/BastienStisi

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