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Natures (pas si) mortes

Natures (pas si) mortes

21 February 2014 | PAR La Rédaction

Le photographe Juan Manuel Castro Prieto expose (jusqu’au 8 mars 2014) deux séries de clichés à la galerie VU’, à Paris.

Il n’y a pas que les touristes chinois qui photographient les tableaux dans les musées ! Depuis une dizaine d’années, Juan Manuel Castro Prieto tire, lui aussi, le portrait des collections du Louvre, du Prado ou encore du musée d’Orsay. Intitulé « El archivo de la memoria » (histoire de souligner qu’il s’agit là d’une réflexion sur la manière dont nous « stockons » les images), ce travail original est actuellement exposé à l’Hôtel Paul Delaroche, à deux pas de la gare Saint-Lazare.
Dans cette série, l’artiste revisite quelques-uns des chefs-d’œuvre de la peinture classique en grands formats colorés. Zoomant sur les visages (et singulièrement sur les regards), isolant des détails (comme les stigmates du Christ dans une descente de croix de Philippe de Champaigne), Castro Prieto fait sienne la réflexion de Delacroix sur la photographie. « Je vois dans celle-ci (…) le rappel aux grands principes de l’art et une meilleure intelligence des diverses méhodes des grands maîtres », écrivait le peintre à Constant Dutilleux en 1854.
Ce faisant Castro Prieto désacralise les « icônes » du patrimoine mondial. Sous l’objectif de l’Espagnol, « l’Origine du monde » de Gustave Courbet prend ainsi des allures de poster pour routiers. L’autoportrait de Dürer, recadré, se met à ressembler au selfie d’un adolescent en plein trip égotique. Plus loin : faisant affleurer une lumière rasante sur les craquelures de « l’âme brisant les liens qui l’attachent à la terre » de Pierre-Paul Prud’hon, le photographe donne l’impression que le tableau « édifiant » a été immergé dans une mare.
Ce « work in progress » (qui se poursuit actuellement outre-Atlantique) n’interroge pas seulement la perception que nous avons des œuvres les plus connues des musées français et espagnols. Il donne aussi et surtout une nouvelle jeunesse à ces grands tableaux que nous avons cessé de vraiment regarder, tant nous croyions les connaître.
Une manière de casser « les clichés » qui entourent ces images reproduites à l’infini : sur catalogues, cartes postales et, désormais, sur la Toile mondiale. Une façon aussi de rendre vie à des natures mortes parfois austères. De ce point de vue, ces « archives de la mémoire » forment un écho intéressant avec une autre série de « vanités » de Castro Prieto (« Bodas de Sangre », en référence au poème de Federico Garcia Llorca), elle aussi exposée à la Galerie Vu’.
Juan Manuel Castro Prieto, né en 1958 à Madrid (où il vit encore aujourd’hui), s’est fait connaître dans les années 90 en s’attachant au (re)tirage de l’oeuvre du grand photographe péruvien Martin Chambi (1891-1973). Il prolonge, depuis vingt ans, une œuvre que Christian Caujolle, fondateur de l’Agence Vu’ qualifie de « méditation prolongée à la fois poétique et symbolique (…) où la présence diffuse de la spiritualité dialogue avec des objets, des signes et des comportements du monde contemporain ». Ces natures mortes n’en sont que le dernier jalon.

Baudouin Eschapasse

Crédit photos: Juan Manuel Castro Prieto / Galerie Vu.

Galerie Vu’
Hôtel Paul Delaroche
58, rue Saint-Lazare
Paris 9e
Té l : 01 53 01 85 85
www.galerievu.com

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