Inextricabilia – enchevêtrements magiques, à la Maison Rouge
La maison rouge présente « Inextricabilia – Enchevêtrements magiques », l’exposition qui entremêle art sacré, art brut et art contemporain, du 23 juin au 17 septembre 2017, commissariée par Lucienne Peiry. Une exposition à ne manquer sous aucun prétexte !
À première vue, l’exposition propose des rapprochements formels d’œuvres d’art aux provenances diverses. Nœuds, fils, tresses, broderies, laçages… le visiteur pénètre dans les salles d’exposition, s’enfonce peu à peu dans un enchevêtrement magique.
D’étonnantes connections s’opèrent entre des œuvres de périodes historiques différentes, de zones géographiques distinctes et de cultures variées. Des amulettes de devin-guérisseurs récoltées dans une décharge de Dakar sont mises en parallèle avec des poupées de voyage de l’artiste contemporain Michel Nedjar. Le chef-d’œuvre de Judith Scott, qui représente l’artiste avec sa sœur jumelle, entrelacées, est présenté aux côtés de statuettes bla bocio de la culture Fon, Bénin. Ces œuvres dialoguent et se répondent, empreintes d’une même résonance. Quel secret le voile recouvre ? Quel vœu est capturé par le nœud ? Quelle incantation a accompagné le tressage ? Autant de mystiques mystères…
Des œuvres d’artistes modernes et contemporains reconnus tels que Man Ray et Louise Bourgeois, Annette Messager et Sheela Gowda côtoient, le temps de l’exposition, des œuvres d’art brut de Jeanne Tripier et Marie Lieb et se mêlent également à des pièces d’art sacré, tantôt reliquaires, tantôt amulettes.
Des amateurs d’art contemporain pourront ainsi découvrir des pièces d’art “magiques” tandis que des connaisseurs d’art brut, admirer de l’art sacré. Ainsi, le visiteur ne peut que se réjouir de renouer un instant avec des artistes et des oeuvres qu’il connaît mais aussi de l’exploration de champs encore insondés.
Chaque salle de l’exposition révèle une solennelle atmosphère, propagée par ces reliquats de souhaits et de prières. Bribes d’histoire et de vie, les œuvres nous parlent encore. Effrayantes ou repoussantes, émouvantes ou bouleversantes, elles dévoilent une part de leurs mystères, libèrent une énergie latente, presque palpable.
Lucienne Peiry le souligne, certaines de ces œuvres sont créées, tout ou parties, à partir d’objets à charges, lourds de symboles : Marc Moret érige des autels à la mémoire de ses proches disparus, constitués d’éléments leur ayant appartenus ; Bispo do Rosario conçoit un manteau magnifique, fait d’une couverture de l’hôpital psychiatrique qui l’accueille, brodée de fils récupérés de ses vêtements de patients, qu’il arborera le jour du Jugement Dernier. Parfois même, des boyaux et du sang, se mêlent à la matière et résonnent d’autant plus.
Ces objets se posent en témoins, résidus d’existences passées, constituants d’une mémoire collective que cette manifestation semble inextricablement sublimer.
Cette exposition interroge avec brio les liens entre l’Homme et ce quelque chose d’immatériel, insaisissable, parfois intangible, qui se manifeste cependant, nous transperçant jusqu’au plus profond de nos chairs.
Visuel : Judith Scott, sans titre, laine et objets de récupération, 1986
Courtesy Collection Joyce Scott (Alta, Etats-Unis)