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Hervé Doucet nous parle d’Otto Wagner à la Cité de l’architecture & du patrimoine

Hervé Doucet nous parle d’Otto Wagner à la Cité de l’architecture & du patrimoine

25 November 2019 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Hervé Doucet est Maître de conférences en histoire de l’art contemporain Institut d’histoire de l’art, Faculté des sciences historiques. Il est commissaire de la très belle et très riche exposition consacrée à ce maître du modernisme. Il a accepté de répondre à nos questions.

La cité de l’Architecture vient rappeler l’apport d’Otto Wagner à la profession, pouvez vous nous dire quelques mots sur ce grand architecte et pourquoi l’exposer est important ?
H. Doucet : « Né en 1841, Otto Wagner est décédé en 1918. Si sa vie lui permet de faire le lien entre le XIXe et le XXe siècles, son œuvre (qu’elle soit dessinée, construite ou théorique) permet de bien comprendre que la production architecturale du XXe siècle est moins le fait d’une table rase – comme l’ont revendiqué certaines grandes figures des années 1920-1930 – que le fruit d’une lente évolution qui prend ses racines dans le XIXe siècle. Consacrer aujourd’hui, à la Cité de l’architecture et du Patrimoine, une exposition à cette grande figure de l’architecture qu’est Otto Wagner va permettre au public français de mieux connaître cet artiste exceptionnel dont l’influence internationale est encore sous-évaluée. La génération d’étudiants qu’il a formés s’appelaient eux-mêmes les « soldats de la modernité »… Beaucoup d’entre eux ont poursuivi par la suite une carrière en dehors des frontières de l’Empire austro-hongrois et, par ce biais, ils ont contribué à diffuser la pensée de leur maître. »

 Cette exposition est le résultat d’un travail collectif, pouvez vous m’expliquer quelle a été la part de chaque lieu ?
H. Doucet : « L’exposition présentée à Paris est une co-production du Wien Museum et de la Cité de l’architecture et du Patrimoine. Le Wien Museum possède une grande partie du fonds de l’agence d’architecture d’Otto Wagner. La plupart des exceptionnels dessins que nous exposons au Palais de Chaillot provient de ce fonds. Le Wien Museum a consacré une exposition à Otto Wagner à l’occasion du centenaire de sa mort, en 2018. L’exposition parisienne est complètement différente de celle qui a été présentée à Vienne. Je me suis bien évidemment appuyé sur le gigantesque travail réalisé par Andreas Nierhaus et Eva-Maria Orosz, tous deux conservateurs au Wien Museum et commissaires de l’exposition viennoise, pour concevoir une exposition entièrement nouvelle. Je crois que les expositions viennoise et parisienne sont très complémentaires. Que tous les amateurs de Wagner qui ont eu la chance de visiter l’exposition du Wien Museum n’hésitent pas à venir visiter celle de Paris : ils seront surpris ! »

Exposer des immeubles est toujours impossible ! Alors, qu’avez-vous choisi de montrer comme types d’œuvres ?
H. Doucet : « Il est effectivement très difficile d’exposer l’architecture. Mon souci a été que l’exposition s’adresse à tous les publics : les architectes, les historiens, les amateurs, les curieux, mais aussi le grand public qui ne connaît rien d’Otto Wagner ni de l’architecture du tournant des XIXe et XXe siècles. Je crois que chacun pourra y trouver son compte. Les dessins d’Otto Wagner sont de véritables chefs-d’œuvres qu’il faut regarder avec attention ! Les maquettes rassemblées permettent de mieux comprendre les volumes des édifices, leur implantation urbaine, leurs structures… Les nombreuses pièces de mobilier que nous avons pu réunir et qui proviennent de différentes collections (publiques comme le Musée des arts décoratifs de Vienne-MAK ou le Musée d’Orsay, mais également privées) nous permettent de bien montrer la diversité des échelles d’intervention d’Otto Wagner et son souci de l’œuvre d’art total. Ces objets d’arts décoratifs ont rendu possible la réalisation d’évocations des différents intérieurs conçus par Otto Wagner. Ces évocations permettent au grand public de se plonger dans l’architecture et de comprendre l’évolution de la démarche de Wagner. Enfin, de nombreux multimédias permettent une remise en contexte de l’œuvre de Wagner et une meilleure compréhension de sa réflexion sur l’urbanisme. »

Il y a, je trouve, chez Wagner une forme de modernité dans les structures. Est-ce que vous êtes d’accord ?
H. Doucet : « Otto Wagner est moderne ! C’est l’un des pères de la modernité. Ses étudiants, qui se surnommaient eux-mêmes les « soldats de la modernité » ne s’y trompaient pas. Leur maître leur a appris à toujours rester attachés à la contemporanéité. Cette modernité apparaît bien sûr dans les structures qu’il met en œuvre. La plus surprenante est sans doute celle qui permet la création d’une voûte en verre suspendue au-dessus de la salle des guichets de la Caisse d’épargne de Vienne, la fameuse « Postspaarkasse ». Très actuelle est également, me semble-t-il, sa manière d’envisager la « peau » des édifices. Dans la continuité des réflexions menées par Gottfried Semper, le chantre du rationalisme dans l’aire culturelle germanique, Wagner pense la façade de manière totalement indépendante de la structure porteuse de ses édifices. Cela lui permet la création de façades aussi étonnantes que celles, entièrement recouverte de céramique, du fameux immeuble « Majolikahaus » élevé sur le Wienzeile ou celle de la Caisse d’épargne où les fines plaques de marbres sont accrochées à la structure grâce à des clous dont la tête demeure visible et contribue à l’esthétique générale du bâtiment. »

 Quel est le parcours de l’Otto Wagner. Maître de l’Art nouveau viennois ?
H. Doucet : « Le parcours de l’exposition est thématique. La première section est intitulée : « Otto Wagner, architecte de son temps dans la Vienne impériale ». Y sont notamment évoqués tous les grands concours architecturaux auxquels l’architecte a participé. La deuxième section, elle, est consacrée à la fonction d’enseignant d’Otto Wagner et à la diffusion de sa pensée par les ouvrages théoriques qu’il a publiés. La troisième section envisage le mouvement de la Sécession dont la fondation doit beaucoup à Wagner et qui réunit non seulement certains de ses étudiants comme Joseph-Maria Olbrich et Josef Hoffmann, mais aussi des décorateurs comme Koloman Moser et le peintre Gustav Klimt. Les deux dernières sections sont respectivement consacrées à l’immeuble de rapport (un programme architectural essentiel pour comprendre l’évolution de Wagner) et à l’urbanisme. Wagner a en effet largement contribué à la formation de la Vienne d’aujourd’hui en construisant notamment le métro de la capitale autrichienne à partir de 1894. Ces grandes sections sont en outre ponctué de deux fils rouges qui, eux, suivent, un déroulé chronologique. D’une part, sont évoquées les différentes habitations successives d’Otto Wagner et, d’autre part, certains de ses plus grands chefs-d’œuvres font l’objet d’un coup de projecteur : Le bureau des dépêches du Journal Die Zeit, la Postspaarkasse et l’église Saint-Léopold am Steinhof. Ces deux « fils rouges » parallèles permettent une bonne vision de l’unité recherchée par Wagner entre architecture et décor intérieur. »

Visuel : ©Cité de l’architecture

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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