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Charles Ratton, un immense marchand d’art, précurseur des “arts primitifs” au Musée du Quai Branly

Charles Ratton, un immense marchand d’art, précurseur des “arts primitifs” au Musée du Quai Branly

28 June 2013 | PAR Yaël Hirsch

 

Organisée par l’historien d’art Philippe Dagen, la passionnante exposition “Charles Ratton, l’invention des arts primitifs” (1895-1986) met à l’honneur le parcours et les œuvres passées par les mains de cet incroyable expert, marchand et collectionneur. Un homme proche des surréalistes qui, dès les années 1930 a su transformer, aussi bien en France qu’aux États-Unis, le regard sur les arts premiers, étendant l’attention qu’offrait à “l’art nègre” à tout un ensemble d’objets également venus d’Océanie et d’Amérique, sur lesquels il a convaincu maints amateurs de jeter un regard anthropologique.

Tout commence par l’incroyable bureau de Charles Ratton reconstitué au Musée du Quai Branly et qui a marqué à la fois l’éclectisme du collectionneur et l’ancrage art déco du marchand d’art. Ami et marchand des surréalistes (il a notamment organisé certaines ventes pour Breton et Eluard quand ceux-ci avaient besoin d’argent, le catalogue des ventes est consultable), expert à Drouot, Charles Ratton a pignon sur rue dans le monde de l’art parisien dès les années 1920. Très tôt, il a orchestré ou prêté ses œuvres à des expositions défendant un nouveau regard sur ce qu’on limitait auparavant à un engouement pour “l’Art nègre”. Quelques grands évènements suffisent pour élargir le prisme et ouvrir vers un regard moins colonial et plus anthropologique. C’est le cas notamment de l’exposition des arts africains du Théâtre Pigalle en 1930 ou même de l’exposition ethnographique des colonies dans la grande messe coloniale de 1931. dès le milieu des années 1930, il s’associe au marchand Pierre Matisse pour convertir l’Amérique à son nouveau regard.Toujours en avance d’une longueur, et proche de Dubuffet, Ratton a également été l’instigateur de l’art brut dès l’Après-guerre. Poursuivant une longue carrière internationale, il est dans les coulisses des plus grandes collections d’arts premiers: il est conseiller lors de la création du Museum of Primitive arts fondé en 1957 avec les collections de Nelson Rockfeller et c’est lui qui préside à la vente de la collection Helena Rubinstein en 1966.

Même si parfois l’exposition prend une double direction (le parcours de l’homme et la transformation du regard sur les arts primitifs au fil des grandes ventes du 20ème siècle) et qu’on a, à temps, du mal à cerner quel rôle joue Charles Ratton dans chacune des ventes, l’exposition est aussi passionnante que bluffante de beauté. Regorgeant d’œuvres passées par les mains du marchand (elles ont toutes été photographiées par lui et la somme est visible sur un superbe montage photo final, photo 1), l’exposition montre beaucoup de belles pièces d’art africain, mais aussi des masques et ivoires esquimaux et des œuvres venues d’Océanie. S’ajoutent à cette richesse des œuvres des surréalistes, quand ces derniers se demandent en 1936 à travers leur exposition d’objets (photo 2) quelle part d’arts primitifs leur créativité comporte. Il y a également de nombreux clichés de Man Ray d’époque.

Du point de vue intellectuel, la transformation du regard occidental sur ce qu’on appelle aujourd’hui “Les arts premiers” est absolument fascinante, fort bien expliquée par l’auteur de “Le peintre, le poète, le sauvage, les voies du primitivisme dans l’art français” (Champs, Flammarion).

Surtout, c’est une exposition qui donne de superbes choses à voir en mettant l’histoire de notre regard en question, démarche qui correspond enfin parfaitement à l’ADN même du musée du Quai Branly, dont tout le projet était d”extraire les collections d’arts premiers du Pavillon d’Entrée de l’exposition coloniale de 1931 et du Trocadéro où ont eu lieu les premières grandes expositions d'”Art nègre” pour réfléchir de manière anthropologique sur un véritable trésor hérité de temps coloniaux complexes. Une grande exposition, qui doit figurer sur la to do list des parisiens cet été.

Infos pratiques

Festival Petits et Grands
Espace B
Marie Boëda

2 thoughts on “Charles Ratton, un immense marchand d’art, précurseur des “arts primitifs” au Musée du Quai Branly”

Commentaire(s)

  • Larnaa

    Bah alors boumbang, t’écris plus tes articles, tu sous-traites? LOL

    July 3, 2013 at 17 h 58 min

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