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Les Sentinelles : les veilleurs de l’histoire présentés à l’IMA de Tourcoing

Les Sentinelles : les veilleurs de l’histoire présentés à l’IMA de Tourcoing

25 January 2023 | PAR Elisa Barthes

Depuis le 17 Septembre 2022 se tient l’exposition Les Sentinelles à l’institut du monde Arabe (l’IMA) de Tourcoing. Elle regroupe des artistes portant un regard de témoin sur le monde Arabe et les conflits qui l’ont secoué ces dernières décennies. En collaboration avec le Centre national des arts plastiques (CNAP), l’IMA propose de découvrir ces œuvres à travers une scénographie immersive.

Il ne vous reste qu’une dizaine de jours pour découvrir les 21 œuvres exposées dans les salles de l’IMA de Tourcoing. Associant photographies et vidéos, Les Sentinelles présente le regard des artistes sur leurs histoires personnelles ou sur les événements de la grande Histoire. Le titre est en lien avec l’expression «veilleurs de l’histoire», s’apparentant au terme de «témoin», l’un des maitres mots de l’exposition. Elle nait d’un co-comissariat entre Françoise Cohen, directrice de l’IMA de Tourcoing, et le CNAP. Le sujet est segmenté en plusieurs prismes, représentés par 5 foyers : en quête de boussole, quotidiens urbains, tout contre l’histoire, survies et transit. Autour d’œuvres aux démarches recherchées, découvrez le monde arabe sous un nouvel angle.

Une scénographie immersive

Lorsqu’on pénètre dans la première salle de l’exposition, l’ambiance sonore nous plonge dans des horizons lointains. Les sons et musiques des différents films s’entremêlent, aiguisant la curiosité pour ces vidéos projetées au mur. À cet endroit se trouve le foyer «en quête de boussole», présentant des territoires contestés et marginalisés. L’installation du réalisateur Algérien Hassan Ferhani attire l’attention. Elle présente son film intitulé 143 rue du désert, sous forme de deux projections d’instants différents du long métrage, accompagné de photographies. En 2018, l’homme est parti à la rencontre de Malika, la «gardienne du désert». Elle habite à 1000 km de la ville d’Alger, en plein désert du Sahara, juste à côté d’une route emblématique du pays : la Nationale 1. Traversant toute l’Algérie, elle est empruntée par de nombreux routiers. La maison de Malika est pour eux comme une balise, un endroit où ils peuvent se reposer, se restaurer mais aussi échanger avec cette dame toujours ouverte au dialogue. En réalisant ce film, Hassan Ferhani a voulu montrer la réalité du désert : un endroit vide dans lequel on ne s’ennuie pourtant jamais. Véritable reportage sur la vie de cette femme, il est également le portrait de ces routiers menant une vie éprouvante et difficile sur les routes. Sur l’un des murs de l’exposition, une nappe remplie de motifs de fruits est accrochée. Lorsqu’on l’observe avec attention, on remarque qu’elle est présente sur l’une des photos prise dans la maison de Malika. Cet élément ajoute un coté immersif et appuie la dimension réelle de cette histoire, nous rapprochant de cette femme vivant dans un cadre si différent du nôtre.

Dans une seconde pièce aux murs noirs se trouve le foyer «transit», questionnant sur les migrations en Méditerranée mais aussi de façon universelle. On y retrouve un dytique vidéo réalisé par Joana Hadjithomas et Khalil Joreige, intitulé «se souvenir de la lumière». Le sort des migrants est interrogé ici de façon poétique, prenant pour image le phénomène physique de transformation du spectre des couleurs dans les profondeurs de la mer. D’une vidéo à l’autre on observe une personne habillée dans l’eau, sans savoir si c’est un plongeon ou une noyade. Cette ambiguïté transmet une sensation d’effroi, on pourrait presque ressentir la pression de l’eau sur nos propres voies respiratoires. La manière dont sont installés les deux panneaux accentue cet effet d’immersion : ils sont suspendus au plafond, permettant au spectateur de tourner autour, mais le contraignant à ne jamais quitter des yeux les images puisque le film est sur deux faces de l’écran. 

Des démarches de création au service des convictions des artistes

La plupart des œuvres défendent des regards allant à l’encontre de ceux présentés par les médias occidentaux. Au sein du foyer «survie» se trouve une photographie déjà connue du grand public : La madone de Bentalha. En 1997, alors que l’Algérie est en pleine «décennie noire» et subit une série d’attentats, le photoreporter Hocine Zaourar est envoyé photographier le lendemain d’un massacre. Dès son arrivée sur les lieux, le cri d’une femme l’interpelle et il se rend directement à ses côtés. Il prend alors ce cliché, dans le but de montrer la souffrance et le désespoir de cette femme, et plus largement de dénoncer la situation tragique des civils en ces temps de guerre.

Juste à côté, se trouve le travail d’un autre photographe dénonçant la guerre avec un processus de création bien différent. Taysir Batniji nous livre son regard sur le conflit Israélo-Palestinien, en photographiant les miradors du mur séparant la Cis Jordanie d’Israël. Natif de Gaza, il est difficile pour lui de se rendre dans les territoires Cis Jordanien. Il décide donc d’envoyer un de ces amis pour réaliser ce travail de documentation. L’immobilité des sujets contraste avec la prise de vue des clichés, qui, au vu du contexte dangereux, a été périlleuse. La plupart sont pris de très loin, d’autres à travers la fenêtre d’un bus et certains d’un endroit où l’homme a dû se cacher. La manière de présenter ces photos lourdes de sens est déconcertante, elles sont exposées de manière simple dans des cadres noirs, comme dans une volonté de les confondre avec des phares ou des châteaux d’eau.

Le voyage à travers les différents foyers continue, nous arrivons cette fois à celui intitulé «quotidien urbain». Il a pour vocation de montrer le regard des artistes sur leur vie quotidienne, essentiellement dans les quartiers populaires des pays du monde Arabe et de France. Mohamed Bourouissa présente un projet nommé «péripéties», dans lequel il photographie des jeunes auxquels il s’identifie. Il travaille ainsi sur la déconstruction des stéréotypes sur la jeunesse issue des banlieues. Le cliché «le Téléphone» montre une confrontation entre deux jeunes, avec un jeu de regard intense et la présence d’un téléphone semblant capter l’instant. Elle ressemble à une photo prise sur le vif, mais découle en réalité d’une composition pointilleuse inspirée des tableaux de Caravage et Delacroix.

Le dernier foyer présente des versions alternatives de la grande Histoire, et se nomme «tout contre l’histoire». Le point de vue de chaque artiste sur une thématique est mis en avant à travers son œuvre. La fièvre est un long métrage de Safia Benhaim, il raconte une partie de son histoire personnelle liée à ses origines Marocaines. Ses parents se sont exilés du pays avant sa naissance pour des raisons politiques, elle n’a découvert le pays de ces propres yeux qu’une fois adulte. Le contraste entre le récit de ses parents et le Maroc qu’elle découvrait l’a profondément marqué. À travers son film, on ressent ce dédoublement étrange. Les images sombres et la musique inquiétante traduisent un environnement comme hanté par les souvenirs de ses parents.

 

 
 
 
 
 
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L’exposition dans son intégralité est à découvrir jusqu’au 12 Février 2023, retrouvez toutes les informations en cliquant ici.

 

Visuels : © Communicart Agency

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Elisa Barthes

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