
La loi anti-burqa sous les projecteurs à l’Opéra Bastille
Le 3 octobre dernier, alors que s’apprêtait à se jouer “La Traviata”, une spectatrice a été invitée à quitter la salle. Motif de cette exclusion : port du niqab. Elle et son mari, touristes du Golfe en voyage à Paris, sont partis calmement sans protester.
Laïcité. Que voilà un mot à la mode. Comme tant d’autres direz-vous. Mais celui-ci est si fréquemment brandi qu’on oublie parfois, pris dans la boucle infernale et confuse des amalgames, ce qu’il signifie. Le rappel historique nous oblige à indiquer que dans un premier temps la Révolution et son abolition des privilèges, puis la Constitution de 1958 qui régule encore aujourd’hui la République Française établissent clairement le principe de laïcité comme une liberté. Celle qui permet à un individu, quelle que soit sa confession, d’exercer librement son culte. L’Etat et l’Eglise ayant été séparés en 1905, la Vème République ne vient que renforcer cette règle.
Laïcité. Un mot autrement et trop souvent employé depuis quelques années dans le cadre du vote de la loi qui interdit le port de la burqa dans un lieu public. Vous noterez comment d’une liberté on chemine doucement à une contrainte.
Dans un souci d’équité, une loi vient agir dans l’enceinte de l’école publique. Institution de la République, l’école devrait donc être la première à en appliquer et respecter les règles. Le 15 mars 2004, il est donc fixé qu’en son sein “les signes et les tenues qui sont interdits sont ceux dont le port conduit à se faire immédiatement reconnaître par son appartenance religieuse tel que le voile islamique, quel que soit le nom qu’on lui donne, la kippa ou une croix de dimension manifestement excessive.”
En 2009, la laïcité est à nouveau au coeur des préoccupations politiques. Le décret du 20 juin 2009 en témoigne et interdit désormais de “dissimuler volontairement son visage lors d’une manifestation publique.” Entendez par là, port du voile intégral, mais le mot n’est pas encore lâché. L’amende, sachez-le, s’élevait alors à 1500 euros.
2010 se veut doux, plus civique, plus pédagogue. La loi du 11 octobre de la même année interdit quiconque interagit dans l’espace public de “porter une tenue destinée à dissimuler son visage”, sous peine de régler une amende de 150 euros et l’obligation d’assister à un stage dit de “citoyenneté”.
Dans le cas qui nous intéresse ici, celui de l’Opéra Bastille, la loi, admettons-le, a été appliquée à la lettre. En effet, l’Opéra Bastille est épique. Non EPIC, pardon. Comprendre Etablissement Public à caractère Industriel et Commercial. Loin des termes économiques de gestion, cela signifie que l’Opéra Bastille est régit par les règles qui s’appliquent à l’espace public.
Ce qui dérange vraiment dans cette actualité c’est la désignation. Le refus affirmé de certains choristes de chanter si cette femme, couverte du niqab, ne retirait pas son voile. Si elle avait voulu rentabiliser le prix de son billet, elle aurait pu en effet se découvrir et assister au spectacle. Le heurt n’a pas fait de vague car cette touriste a respecté la loi en quittant la salle. On pourrait néanmoins regretter qu’une nouvelle fois, les sphères médiatique et politique s’emparent d’un détail, d’un souffle, d’un grain de poussière pour créer ce qu’on appelle tous bien volontiers une polémique. Cette actualité, vieille déjà de plusieurs semaines, pointe le bout de son nez, alors même que l’euro-député Nadine Morano intercepte une femme voilée à la Gare de l’Est qui selon l’ancienne ministre portait “atteinte à notre culture”.
Notre culture est faite de lois. Notre culture les applique. Mais notre culture ne doit pas devenir celle de l’amalgame irréfléchi. Notre culture ne doit pas être celle de la méfiance. Alors certes, que le spectacle continue, mais pitié, cessons de caricaturer.
Visuel à la une et visuel : @captures d’écran