
Biarritz : “El norte sobre el vacio” requiem pour un ranch

En français “Ciel du Nord au-dessus du vide”, voici un film qui s’annonce angoissant. Don Raynaldo, chasseur légendaire, n’a plus la maîtrise de ses facultés et ne vise plus correctement. Alors qu’il fête, en famille, l’anniversaire de son ranch, une bande de racketteurs le menacent. Pari réussi pour ce film (tiré d’une histoire vraie) sur ce qui nous échappe.
La première scène nous montre le grand chasseur Don Reynaldo, s’efforçant maladroitement de viser, sous le regard de la jeune Rosa. Dans la dernière scène, les deux personnages, côte à côte, tirent ensemble, dans la même direction. Entre les deux, une longue plage de temps, assez sidérante.
Oui, ce film lent et hypnotique nous captive, pour une raison : Sans cesse, nous voyons s’enchaîner des malentendus, des contretemps. Jamais Don Reynaldo (Gerardo Trejoluna, sorte de Sean Connery mexicain) n’est parfaitement en phase avec ce qui lui arrive. Charmeur, connu, l’homme sait raconter de belles histoires. Mais, aujourd’hui, le temps joue contre lui. Diminué, fatigué, il réunit sa famille autour de lui pour célébrer l’anniversaire de son ranch. L’occasion, solennelle, est manquée. Les uns et les autres, un peu distraits, ne mesurent pas l’émotion d’être ensemble. Et, surtout, des racketteurs rôdent autour du ranch. Assez vite, Don Reynaldo comprend qu’il ne fait plus le poids, que la partie est perdue. Lorsqu’il renvoie ses enfants, petits-enfants et son épouse se mettre à l’abri, la famille s’en va en vitesse, avec quelques serments rapides et maladroits.
La réussite du film tient à la gestion du temps. Personne ne saisit en temps réel la menace qui se profile. Don Reynaldo entend jouer, encore un peu, les caïds. Sa femme, inquiète, lui fait confiance pour la rejoindre. Ses enfants, si différents de lui, l’aiment sans le comprendre. Lui, s’il les aime réellement, ne le dit pas, en bon ours qu’il est.
Ni à ses enfants, ni à Rosa, il ne dira ce qu’il ressent. Le patriarche, homme du passé, appartient à un temps révolu. Dans ses regards, éperdus, le spectateur lit la fin d’un monde, où la confiance et la transmission ne posaient pas problème. Aujourd’hui, tout se brouille, et le compte à rebours de l’ancien monde est enclenché.
Le film propose un vrai travail sur le son. A mesure que Don Reynaldo voit son monde s’écrouler, des grondements assourdis, effrayants le guettent. La caméra se fixe, fréquemment, sur un insecte, une sauterelle, une araignée, témoins muets de ce crépuscule annoncé.
Un film prenant, sans concession.
El norte sobre el vacio, de Alejandra Marquez Abella, Mexique, 114 minutes, avec Gerardo Trejoluna, Paloma Petra, Dolores Heredia, Juan Daniel Garcia Trevino, Mayra Hermosillo, Fernando Bonilla, Mariana Villegas. Festival Biarritz Amérique latine. En compétition.
visuels: photo officielle du film.©