
Au festival traits d’union, une rigolote histoire de dépit amoureux d’après le Misanthrope de Molière
Toutelaculture suit attentivement le festival Traits d’union. Le festival programme des créations de jeunes artistes en début de carrière; il est le vivier des talents de demain. Cette semaine une bonne surprise nous attendait sous la forme d’une relecture moderne d’une des pièces les moins jouées de Molière : Le Misanthrope.
Le festival Traits d’union est dédié à la jeune création. De jeunes compagnies d’art dramatique y abordent des sujets d’actualités. Pour sa troisième édition, le thème est Utopie. Riche de partenariats publics et non publics, le festival est une magnifique et contributive couveuse à talents qui se tient du 10 janvier au 27 janvier au Théâtre El Duende à Ivry-Sur-Seine. La jeune compagnie La première bande y a présenté cette semaine son très personnel Misanthrope.
Rappelons rapidement l’histoire du Misanthrope. Alceste, Le Misanthrope, est le plus loyal et le plus droit des hommes; malheureusement il est par vertu une “personne entière”, une vertu qui se transforme en défaut lorsqu’il pousse la franchise jusqu’à vexer Oronte qui le poursuivra au tribunal. Le même Alceste a la faiblesse d’être épris d’une femme, Célimène, une coquette. Convaincu de l’indignité de celle qu’il aime il renonce à un amour exclusif. Le couple idéal qu’il avait imaginé devait le réconcilier avec le monde. Dépité il préfère se retirer dans la solitude donnant à sa misanthropie l’absolu qu’il n’aura pas atteint dans les affaires amoureuses. La jeune compagnie La Premiere Bande met l’accent sur le fiasco amoureux pour en dessiner la marche inéluctable et les angoissantes douleurs. Au fond, la pièce de Molière raconte l’histoire d’un couple qui se rate. Elle pose le constat de ce ratage entre deux personnes égoïstes et enfermées dans leur quant-à-soi, deux amants sourds l’un à l’autre; deux adolescents.
Les deux metteuses en scène Marie Benati (elle est Céliméne) et Déborah Chantob ont réinventé la pièce en la transposant à notre époque. Dans les années 60 une bande d’adolescents portent cols roulés en synthétique de couleur et les meubles adorent se couvrir de miroirs. Ces ados aiment la musique dansante, les intrigues amoureuses et la licence sexuelle autant que la parole libérée. L’ambiance est jeune et joyeuse, désinhibée. Au sein de cette plaisante et sympathique confraternité, le sombre Alceste promène sa mélancolie vainement endiguée par Philinte. Défiant l’anachronisme, les comédiens s’en tirent avec talent. Les alexandrins sont là, délicieux et chaque mesure, chaque hémistiche, chaque diérèse ou synérèse est respecté. La salle rit à chaque gag ou mot d’esprit alors qu’écrits en 1666, ce constat est de bon augure. Et si Eliante et Philinte méritaient une interprétation en maturité, la troupe saisit la salle sans aucun temps mort. Marie Benati est une remarquable Céliméne, Clemence Liestang une irréprochable Arsinoé. Élie Saleron constitue le clou du spectacle, il fait son show dans un très juste Alceste. L’ensemble est enveloppé dans une mise en scène audacieuse riche de quelques tableaux inoubliables. Une pièce audacieuse et de grande valeur d’une troupe qui est loin d’enregistrer sa dernière bande.
Crédit Photos Compagnie Les Entichés.