
Un Frigo qui ne laisse pas de glace au Carré 30
Le jour de son anniversaire (le cinquantième malgré son refus de l’admettre), une transsexuelle que le résumé appelle « L. » mais dont on ignore en vérité le nom, reçoit un frigo comme cadeau de la part de sa mère. Là est le point de départ de cette pièce qui nous entraîne dans la folie de ce personnage haut en couleur, troublant les limites entre le réel et l’irréel, le vrai et le faux…
Le frigo, déclencheur de la pièce, semble être une excuse pour la tragédie de la solitude qui finit par rendre fou le personnage principal, mais il finit occupe également le centre de l’œuvre et l’on ne peut s’empêcher de vouloir qu’il soit ouvert pour découvrir ce qu’il renferme. Il en vient à contaminer la vie du héros ou de l’héroïne, ancien mannequin qui écrit ses mémoires ; que voulez-vous qu’elle écrive d’autre ? C’est elle-même qui pose la question. Lors d’un échange téléphonique avec son éditeur, ce dernier lui suggère d’allier don livre à la promotion de frigidaires. Le frigo est donc partout, au point que l’on s’interroge sur l’existence de tous ces personnages qui se succèdent, incarnés par le même comédien, ici Léo Redolat, également metteur en scène de cette pièce.
L’exercice n’est donc pas simple pour ce dernier, tour à tour homme, femme, victime, agresseur, fille, mère ou encore chien. La qualité du jeu qu’il propose est tout simplement impressionnante et il parvient à nous absorber dans cet univers si particulier. Sa mise en scène permet d’accentuer ce flou et ce doute quant à la réalité de ce qui se passe en nous faisant plonger dans la réalité subjective du personnage. Comment alors ne pas nous attacher à cet homme ou cette femme si seule et perdue au point de voir l’amour dans un rat. Ce rat existe-t-il vraiment ? Est-il vraiment un rat ? La mise en scène le représentant par une perruque nous fait encore douter, mais c’est à peine si nous doutons que ce rat communique vraiment avec L.
Qui est L., d’ailleurs ? Elle-même l’ignore, ne se souvenant pas de son nom. Son identité serait-elle dans le frigo ? Là aussi, nous doutons de l’existence de ce dernier, qui n’est rien d’autre qu’un mot sur une ardoise aux dimensions de l’appareil électro-ménager. On aurait presque envie de se lever pour l’ouvrir et vérifier par nous-même. A un moment, on pense que le mystère va enfin se lever lorsque le personnage fait mine d’y entrer pour y mourir, mais… c’est là que le rat de l’amour apparaît. Légère longueur dans la pièce à ce moment-là avant que le rythme ne reprenne.
La vulgarité de l’œuvre à certains passages passe cependant grâce au jeu de Léo Redolat qui investit réellement le personnage au milieu de ces mannequins sans vie, vides, un peu comme lui ou elle.
Vous l’aurez compris, cette pièce jouée dans un tout petit théâtre de Lyon vaut le détour de la découverte, nous seulement pour l’écriture de Copi mais aussi et surtout pour Léo Redolat qu’il faudra certainement suivre… Allez-y avant que ça ne finisse !
© nysos