
“Don Juan revient de guerre”, le séducteur blessé de Jacques Osinski
Si le texte d’Ödon von Horvàth, Don Juan revient de guerre est peu monté c’est surement car son tempo et son propos manquent d’un rythme évident. En s’emparant de cette pièce oubliée, Jacques Osinski nous plonge dans la lente litanie de la chute du plus célèbre des séducteurs.
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Qui se souvient encore de Jean Rochefort, Noeud Pap’ noué serré dans la caméra de Marcel Cravenne ? Une diffusion, une seule, en 1968. Et nous voici en 2015 avec une nouvelle adaptation, cette fois théâtrale du texte écrit en 1937.Tout de même, le sujet est fascinant. Don Juan, le séducteur archétypal inventé par Molière en 1862, lui qui était intéressé plus par le désir que le plaisir est anesthésié. Il revient de la Grande Guerre, celle de 14. Ce contexte est formidable. Horvàth l’écrit un an avant de mourir écrasé par un arbre à Paris après avoir fui le nazisme où ses oeuvres étaient classées comme “dégénérées”.
La mise en scène d’Osinski est extrêmement classique et c’est là que réside l’écueil principal de son travail. Ce qui est intéressant dans ce retour de Don Juan c’est pourtant l’actuel. Il arrive exsangue dans un monde où les choses changent. Les femmes ont commencé à travailler. “Une nouvelle époque est en marche”. Les changements de décors se font timidement à vue et les baisser et lever de rideau plombent sérieusement un texte qui ne brille pas par sa célérité.
Nous avons du mal alors à amener ces filles séduites jusqu’à nous. Pourtant, par leurs jeux, Caroline Chaniolleau, Noémie Develay-Ressiguier, Delphine Hecquet, Agathe Le Bourdonnec et Alice Le Strat nous retiennent. Elles sont tour à tour des servantes ou des bourgeoises et c’est bien quand Don Juan redevient ce qu’il est par essence, un connard dont nous voulons respirer la peau à tout prix que la pièce et la mise en scène basculent dans un tempo qui laisse la place à plus d’humour et plus de complexité. Alexandre Steiger lui, placide de bout en bout opte pour une distanciation très brechtienne qui manque cruellement d’une contemporanéité cynique.
Visuels : ©Pierre Grosbois