
Le Barbier de Séville à l’Opéra de Lille : un régal !
A l’Opéra de Lille s’est installé un drôle de barbier : avec sa gouaille et ses ciseaux, son humour et ses rasoirs, il séduit, soir après soir, le public lillois. Tant et si bien que le 18 mai, l’Opéra a organisé une diffusion en plein air sur écran géant en plein centre-ville de Lille, ainsi que dans huit salles de la région : un grand succès populaire pour ce Barbier de Séville survitaminé, mis en scène avec un sens du théâtre propre à Jean-François Sivadier. Un grand moment de spectacle vivant.
Pendant l’ouverture, menée de main de maître par le chef d’orchestre Antonello Allemandi, Figaro, interprété par l’excellent Armando Noguera, entame un mime qui le pousse à interagir avec le public, le gagnant tout aussitôt à sa cause. Par la même occasion, Sivadier nous rappelle immédiatement que même si Le Barbier de Séville est un opéra, sa mise en scène sera celle d’une représentation théâtrale. Pas un instant la mise en scène, la direction d’acteurs ou encore la profondeur de l’espace ne seront sacrifiés au chant et à la musique.
Avec du bric et du broc, des costumes dépareillés, quelques ampoules colorées et un rideau planté au milieu de la scène, Sivadier crée tout un espace qui permet aux chanteurs d’évoluer sur l’ensemble du plateau pour créer une véritable profondeur dans l’action. Sivadier rappelle ainsi que Rossini s’est inspiré d’un grand auteur de théâtre, Beaumarchais, pour son opéra : ce qui compte avant tout, c’est l’art dramatique, l’intrigue qui se noue et se dénoue. La musique de Rossini – qui écrivit le Barbier en moins de quinze jours ! souligne avec force cette puissance narrative.
Si l’ensemble de la troupe est très bon, Armando Noguera, baryton argentin, donne à Figaro une consistance et une humanité qui le rend extrêmement sympathique au public, jusqu’aux saluts alors qu’il chipe la baguette du chef d’orchestre et se couche au sol pour continuer de saluer alors que le rideau est presque baissé. Autour de lui, soulignons la performance d’Adam Palka, qui donne à Don Basile de délicieux accents méphistophéliques, Eduarda Melo, qui incarne une pétillante Rosine, ou encoreTaylor Stayton, sémillant Almaviva.
Le public ne s’y trompe pas : les 9 représentations étaient pleines bien avant la première, et les applaudissements sont nourris et chaleureux – de plus en plus pour chaque nouvelle représentation. Et on le comprend : ce n’est pas si souvent que l’on a la chance de voir un opéra qui soit divertissant tout en restant intelligent, finement drôle, accessible sans pour autant se complaire dans la facilité. On en redemande, encore et toujours !
© Frédéric Iovino