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Salon de l’agriculture: Le patrimoine naturel à l’honneur

Salon de l’agriculture: Le patrimoine naturel à l’honneur

03 March 2017 | PAR Yaël Hirsch

Ce jeudi 2 mars 2017, la Fondation du Patrimoine remettait 4 prix au Salon de l’agriculture. Alors que ces prix nationaux de la Fondation du Patrimoine pour la biodiversité animale sont allés à la vache nantaise (grand prix d’honneur, sur notre photo), à la brebis Sassi des Pyrénées Atlantiques (1ier prix), au métis boeuf Moka de la Réunion (2e prix) et au mouton Boulonnais du nord (3e prix), nous avons rencontré le géographe Jean-Paul Amat, spécialiste des forêts, professeur émérite à la Sorbonne et Délégué au patrimoine naturel de la Fondation du Patrimoine pour un éclairage sur les enjeux de la préservation de certaines espèces par les agriculteurs en France.

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C’est donc dans l’arène du Salon de l’Agriculture, juste après la remise des prix et avant d’aller fêter la Vache Nantaise au pavillon de la Loire-Alantique avec du champagne et du fromage, que nous avons pu rencontrer le géographe passionné Jean-Paul Amat.

Qu’est-ce que le patrimoine naturel?
Si on se place du côté d’un étranger qui a entendu parler de la France par la littérature ou les arts, pour lui, la France c’est Charlemagne, c’est Napoléon, c’est l’Histoire mais c’est aussi le patrimoine. Or, le patrimoine, c’est le Mont Saint-Michel, ce sont les moines, c’est la culture. Mais c’est aussi le Mont-Blanc, c’est-à-dire la nature, la neige, le froid, le plus haut sommet de montagnes d’Europe. C’est un patrimoine français (partagé avec les pays limitrophes) mais c’est aussi un patrimoine naturel. D’ailleurs quand on réfléchit au Mont Saint-Michel ce sont les crêpes, c’est le monument, ce sont les digues, mais c’est aussi la mer : il y a une dimension naturelle à ce patrimoine.

Et le patrimoine naturel vivant?
En tant qu’espèce, l’homme fait partie du patrimoine naturel. Mais le territoire abrite aussi des populations végétales et animales, qui sont patrimoine parce qu’elles sont inscrites dans l’histoire des sociétés et des cultures. Elles  font le lien entre la nature et l’homme et sa culture et son histoire. Par exemple, le bœuf Moka à la Réunion est typiquement un produit culturel. Il existe bien un milieu naturel végétal ou animal qui est attaché à un territoire sur lequel vit  une société humaine et dont elle est gérante, dont elle est caution : pour elle c’est un patrimoine. Or, ce patrimoine évolue. Sur le territoire français, on a perdu les bisons, les loups, les lynx, les ours. On les a perdus parce qu’ils ont été chassés, il y a eu des modifications de climat et d’environnement et ils sont partis.

A-t-on gagné du patrimoine naturel vivant?
On a gagné le chikungunya, certains moustiques, les anophèles, plein d’espèces qui sont arrivées là, de par l’intensification des flux de communication et la mondialisation. On a vu arriver de nouvelles espèces en bordure des aéroports. Mais il y a aussi en soi un territoire qu’on appelle aujourd’hui la biodiversité, c’est-à-dire la diversité animale et végétale. La Laponie a sa biodiversité, le Pérou a sa biodiversité et la France a sa biodiversité. A un moment donné, elle est définie quantitativement par un nombre d’espèces.

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C’est la protection de cette biodiversité que viennent récompenser les prix remis par la Fondation du Patrimoine au Salon de l’agriculture?
L’objectif du prix, c’est de favoriser des équipes, des personnes, des associations, des groupements de producteurs qui s’intéressent au maintien, à la préservation et à la valorisation de races animales qui disparaissent ou qui sont en voie de disparition et qui sont des patrimoines. Toute race bovine par exemple a un patrimoine génétique, ce qui fait que quand on croise des Charolais, on obtient des Charolais. Mais ces patrimoines sont aussi nés de races dites “primitives”, ancestrales et c’est celle-là qu’on essaie de défense.

Est-ce contraignant pour un agriculteur de respecter ces races ancestrales?
Ça l’a été. A tel point que ça a eu tendance a disparaître ces élevages de races anciennes, mais ça l’est moins aujourd’hui où tout un écosystème s’est mis en place. Il y a le producteur de ces animaux de race en voie de disparition, mais il y a aussi aujourd’hui de plus en plus de consommateurs friands de produits de bonne qualité, attachés à des régions, à des territoires et qui vivent des siècles en osmose avec le territoire. On a parlé de la chèvre des fossés, a vu d’autres races qui, elles, se sont maintenues dans des régions difficiles et liées à des contextes. Mais derrière ou devant les éleveurs, il y a aujourd’hui des consommateurs. Cela rejoint les circuits courts, la qualité du produit, le fait que ces produits entretiennent aussi les paysages, les milieux naturels et la biodiversité. Primer le mouton du Boulonnais, c’est aussi sauvegarder un paysage qui n’est pas une prairie mais un littoral en friche pour remettre en valeur des territoires. Le prix est à la jonction de la protection d’une biodiversité animale dans un contexte de développement de l’élevage mais en relation très étroite avec les milieux naturels ou aménagés par l’homme dans lesquels vivent ces animaux.
visuels : YH

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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