
“Summerless” : Amir Reza Koohestani nous confronte à la folie de l’ordre iranien au Festival d’Avignon
Deux ans après le très fort Hearing, le metteur en scène continue de nous raconter, en filigrane, la censure qui pèse sur la création dans son pays.
Nous retrouvons ici les personnages clés du théâtre de l’iranien : la surveillante, l’élève, et bien sûr, la règle. Cette fois, ils nous invitent dans une cour d’école où trône un vieux tourniquet en métal. Une discussion kafkaienne nous parvient entre la surveillante et une parent d’élève. Oui, les frais vont augmenter et le budget s’effondrer. Tout devient une affaire et l’achat d’un pot de peinture pour cacher les traces de l’ancienne révolution est impossible. Le mari de la surveillante est peintre et il est en charge de la folle tache : faire disparaître les traces du passé.
“C’est trop cher ou c’est interdit ?” dit l’une à l’autre. A propos de quoi ? De tout en fait. Tout est empêché et dans ce huis-clos lent, la folie surgit sans effet et sans violence, totalement résignée. Cela est renforcé aussi par le persan, langue douce où pour nous néophytes, les mots semblent être tous reliés les uns aux autres. Tout est sous-entendu : l’impossibilité de la mixité et la surveillance voisine de la dénonciation.
Le peintre se retrouve accusé par une petite fille et il est limogé sans preuve. Par exemple…
Le procédé vidéo, très simple, vient remplacer la peinture sur les murs mais aussi ajouter des personnages quand il le faut. Nous sommes dans du théâtre pur où trois personnages campent la folie douce d’un système qui oppresse, (des) “individus dans leur solitude, leur intimité, là où aucun système politique ne devrait pouvoir s’immiscer et où l’impact de la politique sur les aspects les plus privés et intimes de la vie n’en est que plus effarant” (Amir Reza Koohestani, propos recueillis par Francis Cossu pour le Festival d’Avignon)
Un théâtre fragile, qui dit vrai, sous couvert de fiction.
Summerless – Amir Reza Koohestani – © Luc Vleminckx