Robert Lepage réinvente Shangai à Chaillot
Quatrième volet de la célèbre Trilogie des Dragons créée dans les années 80, Le Dragon bleu se joue jusqu’au 15 décembre 2009 au Théâtre de Chaillot, hôte de prédilection du plus célèbre des metteurs en scène québécois.
Robert Lepage a acquis sa renommée internationale avec la Trilogie des Dragons, créée à Québec – sa ville d’origine – en 1985. Chaque volet, teinté d’une couleur et d’une saison, se tient dans le Chinatown d’une ville canadienne pour se clore à Vancouver. Plus de vingt ans plus tard, Lepage franchit le Pacifique et établit un de ses héros à Shangai dont il brosse un portrait entre tradition et modernité.

La pièce débute sur une fascinante leçon de calligraphie chinoise donnée au moyen d’une projection vidéo, procédé cher à Lepage. Le style qui fit la célébrité du metteur en scène est plus présent que jamais : vidéo, décors et scénographie ultra-sophistiqués se déploient pour offrir une véritable plongée au cœur de la Chine contemporaine. La scénographie se métamorphose à vue, au fil de l’histoire, avec une aisance déconcertante. En coulisse, dix régisseurs s’attèlent à cette tache, transportant le spectateur d’un hangar changé en loft à un bar à la mode en un clin d’oeil. C’est dans cette prouesse technique et esthétique sans cesse renouvelée que tient le génie et le spectaculaire du Dragon bleu.
Et l’histoire ? Dans son éblouissant écrin de trouvailles visuelles à la mécanique parfaitement huilée, elle passerait presque à la trappe. Pourtant, le triangle amoureux campé par deux comédiens québécois et une comédienne-danseuse chinoise sert une intrigue touchant à nombre de sujets viscéraux : l’adoption, les ambitions déçues, l’alcoolisme, l’avortement, la tradition face à la modernité… Des dialogues efficaces et teintés d’humour ponctués de scènes de danse traditionelle chinoise mettent en valeur la distribution, dont l’excellente Marie Michaud, collaboratrice de longue date de Lepage et co-auteure de la pièce.
En dépit de la profondeur de l’histoire et de l’excellence de l’interprétation, force est de constater que le fond de la pièce demeure anecdotique, éclipsé par la magnificence presque excessive de la forme. Seuls les quelques intimes interludes où le héros monologue et dévoile son intériorité recèlent l’émotion simple et brute si particulière au théâtre. La pièce aurait sans doute gagné en simplicité, tant Lepage sait livrer des instants forts dès que cesse la multiplication d’accessoires et autre aveuglant décorum, tout merveilleux soit-il.
- Tai Wei Foo dans le Dragon bleu
Le Dragon bleu s’achève sur une étonnante pirouette : les protagonistes proposent trois versions différentes du dénouement, répétant la même scène dans les moindres détails jusqu’à l’ultime instant où le couple se forme et les destins se scellent. Le spectateur, heureux, a droit au happy end qui lui convient le mieux.
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Le Dragon bleu – Mise en scène de Robert Lepage – Jusqu’au 15 décembre à 20h30, relâche dimanche – Théâtre National de Chaillot, 1 place du Trocadéro, Paris 16ème – Métro Trocadéro – Réservations : 01 53 65 30 00