
“Nous qui sommes cent”, le théâtre vivant d’Edouard Signolet
Après les succès de Main dans la main, Le Vélo, Pourrie une vie de princesse et plus récemment celui de La Princesse aux petits pois à La Comédie Française, Edouard Signolet revient, à Théâtre ouvert du 20 janvier au 14 février, avec trois actrices pour Nous qui sommes cent de Jonas Hassen Khemiri et réussit à rendre le théâtre vivant.
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L’histoire d’une femme sombre et lumineuse comme la vie, la prime jeunesse, l’âge moyen et le grand âge forment un ensemble divisé en trois comédiennes sobres et emportées par le son de l’accordéon de Pierre Cussac à la présence quasi permanente.
Le texte du suédois Jonas Hassen Khemiri traduit par Marianne Ségol est finement ciselé, rythmé pour la scène, une parole ouverte, une vision en marche et en mots de la vie, ses passions, ses douleurs, ses joies parfois rares, ses doutes, ses envies d’en finir, de rester, ses fulgurances, sa réinvention, ses dénies, ses rencontres, ses pertes, ses renoncements, son chemin unique et multiple tel l’humanité conjugué ici au féminin.
Si vivre c’est renoncer, alors pourquoi ? Si vivre c’est mourir à soi-même, alors pourquoi ? Si vieillir c’est accepter d’oublier le bonheur, alors pourquoi ?
Les spectateurs sont saisis dès le premier son, le texte pourrait être lourd, tourner rapidement au pathos, mais Edouard Signolet a le sens de la rupture, il déréalise, les comédiennes emportent avec humour le souffle de la vie et ne le lâchent plus le temps du spectacle.
Chacun trouve son spectacle, son âge, son personnage, ses résonnances avec sa vie propre et se laisse saisir par la vivacité du spectacle.
Une scénographie, de Sarah Lefèvre, épurée, très plastique ouvre de multiples possibilités et les lumières dessinent les corps et les visages parfois très proches des spectateurs.
Céline Groussard, sa gouaille, ses mimiques, ses airs mutins et sa profondeur sert sur mesure le personnage jeune, innocente, sans limite, en suspension quand Elsa Tauveron sait être raisonnable, adulte, contrôlée, mesurée, en souffrance sans vouloir l’accepter, le voir et se risquer à changer de vie, briser les alliances stériles et retrouver la folie douce de sa jeunesse. Emmanuelle Brunschwig se fait plus discrète, l’âge, le grand, celui du repos, de la liberté retrouvée peut-être, de l’acceptation de l’éternité à venir.
Le théâtre vivant et contemporain s’exprime ici à merveille, humour, passion, don de soi, récit de vie, trois comédiennes sont cent et même plus, enfant, adolescente, femme, homme, vivantes, mortifiées, la palette est large et l’énergie sans économie. Edouard Signolet est un nom à garder en tête et suivre pour découvrir où ses idées, ses recherches, ses envies de partager la vie sur un plateau vont nous mener.
Visuel : © DR