
La « French Touch » s’invite au Théâtre de la Vieille Grille
Source de fierté nationale, la marque « France » est reconnue dans le monde entier, si bien que chacun tente de se l’accaparer. Mais « le bon goût bien de chez nous » l’est-il réellement ? N’est-il pas plutôt le fruit d’échanges et de rencontres multiculturels ? C’est ce qu’entend démontrer Régis Ivanov dans son spectacle « French Touch », au théâtre de la Vieille Grille, à Paris, du 2 mai au 29 juin 2017.
Tout commence un soir, lors de l’inauguration de la salle polyvalente Nicolas S., à Champougneule, une petite bourgade tranquille située en Province. Françoise Prospéro, l’élue locale populiste tendance extrême-droite, est retenue à Paris pour affaires et laisse le soin à son nègre et assistant parlementaire, Jean-Paul Pouchkine, d’inaugurer la nouvelle salle municipale. Mis devant le fait accompli, il doit remplacer au pied levé sa patronne.
Jean-Paul doit prononcer à sa place le discours qu’il a écrit pour elle et ensuite donner une conférence sur « le bon goût français ». Mais, écrire un texte et le prononcer en public, ce n’est pas du tout la même chose. Visiblement mal à l’aise, Jean-Paul ne peut se résoudre à défendre les idées qu’il a couchées sur le papier. Il ne peut les cautionner. S’il a réussi à rédiger ce discours pour sa patronne, les mots ne veulent pas franchir le seuil de sa bouche, comme s’ils lui étaient tabous.
Comment lui, un immigré belgo-letton, pourrait-il défendre de tels idéaux ? Quelle est sa légitimité à lui, un étranger, à parler du « bon goût français » ? Mais qu’est-ce que « ce bon goût français » ? N’est-il pas le fruit de rencontres et d’échanges multiculturels ? Et si, lui, le petit Pouchkine, revisitait l’Histoire de France afin de vanter la beauté de la diversité ? Après tout, le roi Clovis et la reine Clothilde, les premiers souverains de France, n’étaient-ils pas eux-aussi des immigrés belgo-lettons comme lui ?
Son esprit libéré de ses entraves, Jean-Paul peut enfin être lui-même et démarrer sa conférence sur la « French Touch », à l’ancienne, avec un powerpoint de qualité inégale. Certes, la teneur de cette dernière ne correspond nullement au souhait de l’élue populiste Françoise Prospéro, mais elle reflète ce que pense et ressent réellement Pouchkine. Selon lui, la France n’est plus la France lorsqu’elle tombe sous le joug de la xénophobie. « Le bon goût français » s’est forgé au fil des vagues d’immigration successives. La « French Touch » est non seulement une marque, mais aussi un art, une culture, un esprit, que l’on exporte à l’étranger. Jean-Paul nous dresse ainsi le portrait d’une France plurielle. Il survole l’Histoire de France de « nos ancêtres les Gaulois » à nos jours dans ses grandes lignes.
Toute sa démonstration repose sur la volonté de nous mettre en garde, de réveiller nos consciences endormies. « Si les guerres ruinaient tout le monde, il n’y en aurait plus depuis longtemps ». Quand on se met à redouter l’autre, quand « notre miroir ne nous renvoie plus une image clire de nous-même avec l’intérêt d’un regard sur la vie », l’horreur n’est jamais loin… C’est alors que les doutes et les angoisses de Pouchkine remontent à la surface. Il craint pour l’avenir. Il sait que, dans la vie, jamais rien n’est acquis. Tout peut disparaître, à n’importe quel moment : nos libertés, la démocratie, la paix…
Si le cadre dans lequel évolue Pouchkine ne paie pas de mine (décor de salle des fêtes à l’ancienne), ce qu’il dit nous donne à réfléchir. Il partage avec nous ses amours, ses déceptions, ses doutes et ses craintes, avec tendresse, humour et sincérité. Un spectacle engagé, qui nous nourrit et nous enrichit intellectuellement et humainement !
Informations techniques et pratiques :
Titre : « French Touch »
Genre : Théâtre politique engagé contemporain, monologue
De et par : Régis Ivanov
Mise en scène : Olivier Hamel
Collaboration artistique : Anne-Marie Arbefeuille, Patrick Pouchin, France Viard-Grewer et Olivier Werner
Co-réalisation : Théâtre de la Vieille Grille / Wish Théâtre
Lieu : Théâtre de la Vieille Grille, 1 rue du Puits de l’Ermite, Paris 5
Dates et horaires : Du 2 mai au 29 juin 2017, à 20h
Durée : 1h15