
Jeunesse sans Dieu, Horvath vidé de sa substance
Au théâtre de la Bastille, François Orsoni et ses comédiens restituent sans engagement ni conviction “Jeunesse sans Dieu” d’Odon von Horvath.
Il paraissait impensable d’affaiblir un texte aussi beau et puissant que ce roman paru en 1937 dans lequel Horvath ausculte l’ancrage pernicieux et tenace du fascisme dans la société allemande des années 1930 conditionnée pour la guerre à venir.
Un professeur d’histoire- géographie est confronté au racisme ordinaire en découvrant écrit sur un devoir d’écolier « Tous les nègres sont faibles, lâches et fainéants ». Désapprouvant ouvertement l’énoncé et corrigeant son élève par humanisme, il trouve comme réponse à son action la révolte hardie des autorités parentales et scolaires. On devrait recevoir le propos politique de ce texte comme une claque cinglante.
Mais la troupe a-t-elle bien compris les enjeux d’un tel contenu, l’urgence, le danger, la menace permanente des temps glacés qui approchent, la violence et la haine latentes, l’imminence de la catastrophe, tout cela décrit avec une justesse percutante ? On ne peut qu’en douter en assistant au spectacle présenté qui s’apparente à une soirée plaisante autour d’un piano où un musicien du dimanche égrène quelques accords tandis que la bande de potes qui l’entoure chantonne bien tranquillement des bouts de refrains dans une langue allemande ou anglaise très approximative. Le camp de plein air qui n’est rien d’autre que le lieu d’une sévère préparation militaire où sont rassemblés les jeunes allemands soumis à des exercices physiques et à l’apprentissage du tir paraît ici bien gentillet et détendu. Des boyscouts y font de la gratte et campent sous les étoiles. Même lorsque le cadavre de l’un d’entre eux est découvert, la scène et l’investigation qui suivent sont tournées en dérision.
A l’évidence, c’est se méprendre que de tenter de livrer Jeunesse sans dieu avec cette décontraction hors-sujet, ce détachement, cette platitude incompréhensible qui font perdre toute sa force et sa profondeur à un texte qui invite pourtant à une réflexion dense et dérangeante même car d’une grande actualité.
Et comme, en plus, le niveau du jeu d’acteurs est à peine celui d’une première lecture, qu’on n’y perçoit jamais l’énergie et la nécessité de dire, d’adresser, d’investir la parole, rien n’est audible. On s’ennuie de bout en bout puis on s’irrite de voir ainsi le sens nous être refusé.
Photo © Pierre Grosbois.
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One thought on “Jeunesse sans Dieu, Horvath vidé de sa substance”
Commentaire(s)
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meme talon
C’est, hélas, exactement ça…
Et c’est un pensum insupportable.
Merci pour cette critique juste, éclairante et mesurée…