
Granma, Rimini Protokoll plonge Cuba dans le réel au Festival d’Avignon
Le collectif suisse est de retour au Festival d’Avignon. Il questionne avec Granma à la fois la filiation de la révolution cubaine mais aussi ce que s’engager veut dire.
Le cloître des Carmes a ses arches remplies par des écrans; de part et d’autre du plateau tout tapissé de carreaux à motifs se trouvent, en projections, des drapeaux cubains de différentes périodes. Entrent en scène Milagro Álvarez Leliebre, Daniel Cruces-Pérez, Christian Paneque Moreda et Diana Sainz Men, chacun va raconter l’histoire de ses grands-parents. Granma est le nom du navire qui a transporté les révolutionnaires du Mexique à Cuba, il est ensuite le nom d’un journal, et bien sûr, il sonne comme un tendre surnom.
Dans la mise en scène juste de Stefan Kaegi, les personnages assument jouer un rôle. Nous sommes dans du théâtre documentaire fictionné et très référencé. Si ces acteurs, qui sont des amateurs, jouent en leur nom, le texte est écrit et l’interaction avec leurs familles, qui intervient en vidéo pré-enregistrée, apporte une dimension théâtrale évidente.
Au fil des récits dont certains sont très proches du pouvoir (le grand-père de Daniel était Faustino Perez, l’un des bras droit de Castro), d’autres juste membres du parti, c’est le cas de Milagro qui subit de plein fouet la hausse des loyers. Christian, lui, aurait voulu être militaire comme son aïeul et Diana partage la maison de sa grand-mère qui était la femme d’un célèbre chanteur. Tous ont traversé la Révolution.
La pièce permet, en suivant (au fil de la machine à coudre) la chronologie, de saisir les réussites de la Révolution comme cette idée d’appartements en gérance gratuite, mais aussi au fil du temps, les privations de liberté ( les tickets de rationnements) ou, un peu plus tard, les exactions lourdes envers les homosexuels et les opposants politiques. La Révolution devient une dictature militaire. Eux ont 20, 30 ans, pas tellement plus et vivent dans un monde aux frontières ouvertes. Entendre leur regard à la fois bienveillant et critique sur cette histoire si proche est totalement fascinant.
Avec un goût de l’archive évident, Rimini Protokoll croise les sources privées et publiques. Cela donne un spectacle généreux aux interprètes bien dirigés. La scénographie utilise à merveille le beau cloître des Carmes en diffusant entre les arches des vidéos à la fois de l’époque révolutionnaire, des éléments de la vie des acteurs ou la ville aujourd’hui.
Jusqu’au 23, Cloître des Carmes à 22h00. Durée 2h
Visuel : Granma. Les Trombones de la Havane © Christophe Raynaud de Lage
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