![[Avignon Off] « Bobo 1er, roi de personne », la Guadeloupe au fil d’une parole fleuve](https://toutelaculture.com/wp-content/uploads/2015/07/Bobo-1er-650x434.jpg)
[Avignon Off] « Bobo 1er, roi de personne », la Guadeloupe au fil d’une parole fleuve
Une langue fleuve, déversée, et tout le talent d’un comédien, conjugués pour nous offrir un texte en apparence malicieux. Qui s’échine pourtant à transmettre la réalité dure de l’identité guadeloupéenne actuelle. Au fil d’un spectacle prenant.
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Une heure vingt-cinq de parole libérée, déversée par un comédien aussi alerte et malicieux qu’imposant. Artiste installé dans une vie qui prend son temps, le personnage joué par Patrick Womba nous accueille. Mais ce n’est pas nous qu’il attend le plus : il veut démarrer son spectacle, il lui manque son équipe. Pour patienter, il parle et raconte. On reçoit des bouts de son identité caribéenne. Et, seul sur sa scène de cabaret, il a la tentation de dénoncer, ou de crier à tout va. De profiter de sa place pour prendre le pouvoir. D’attirer les gens à lui. Il hésite. Le monde le pousse à se haïr lui-même, et à retourner cette haine contre d’autres. Il faut résister. Il sera donc le « roi de personne »…
Créé à l’Artchipel, Scène nationale de la Guadeloupe, ce solo s’inscrit dans un cycle, titré « Mythologies actuelles ». Parfois énigmatique, toujours énergique, il alterne les contrastes. On croise au détour d’une phrase les inspirations de son auteur, Frantz Succab. Avec, parmi elles, Ibo Simon, personnage très populaire en Guadeloupe au début des années 2000, aux interventions télé aussi écoutées que réactionnaires et racistes envers certaines communautés… Ou « Pauline », une image de femme douce figurant sans doute autre chose… la Guadeloupe ?… Notre personnage se remémore Simon, et attend Pauline. Quand il s’adresse à des interlocuteurs invisibles, il est extraordinaire : sa parole est riche, et sans doute pleine de métaphores. Et quand il chante ses sms d’amour, on est émus. Tout à coup, il se fait sérieux, comme pour des aveux. Le regard caché derrière des lunettes noires. Et le ton se fait crépusculaire… Bobo 1er a donc beau égarer parfois – la parole file, et un peu trop de thèmes sont traversés – on reste stimulés tout du long par son interprète. Qui ne s’embarrasse pas de manières pour envoyer cette parole, très très vivante. Et peut-être tue pendant longtemps…
Bobo 1er, roi de personne, de Frantz Succab. Mise en scène de Guillaume Clayssen. Avec Patrick Womba. Scénographie : Marielle Plaisir (collab. : Anne-Sophie Bineau). Musique : Frantz Succab / Patrick Womba. Création Lumière : Jack Marcel. Costumes : Cassking. Assistant à la mise en scène : Harry Baltus. Avec la complicité de Guy-Pierre Couleau. Une production de l’Artchipel, Scène nationale de la Guadeloupe. Durée : 1h25. Jusqu’au 25 juillet, à 20h15, à la Manufacture.
Visuels : © Nicolas Yssap / © l’Artchipel
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