
Un Orfeo de Monteverdi jeune et féérique à l’Opéra de Paris
Du 11 au 21 mai, l’amphithéâtre de l’Opéra de Paris Bastille accueille une nouvelle production du “divertissement” écrit par Claudio Monteverdi en 1607 pour l’Opéra de Mantoue et qu’on pointe souvent comme le premier opéra dans l’Histoire de la Musique : L’Orfeo. Dans une direction énergique de Geoffroy Jourdain, une mise en scène à la fois légère et ingénieuse de Julie Bérès et avec des voix toutes magnifiques, ce petit bijou est une proposition enchanteresse, pleine de vie et de rêves à découvrir d’urgence.
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Alors que l’orchestre des Cris de Paris s’installe à gauche de la scène en hémicycle parfait du sous-sol de l’opéra Bastille, devant les spectateurs, une petite Montagne est déjà visible. Aqueuse, baroque, ondoyante, elle est déjà en mouvement grâce à de la projection vidéo (Christian Archambeau). La musique (Magnifique voix de Pauline Texier) apparaît dans une pause baroque et gracieuse. Alors que la montagne semble se relever comme une des ses jupes, l’on découvre l’univers enchanté qui constitue le milieux d’artistes, faunes et nymphes attendant le retour du poète Orphée. Formant des ensembles charmants et charmeurs, encadrés par des grands arbres qui sortent du cadre de la scène pour transformer l’ensemble de la salle en forêt et utilisant tour l’espace pour entraîner le public dans leurs badinages mélodieux, les acteurs et chanteurs des Cris de Paris ainsi que les solistes en résidence à l’Opéra semblent jouer dans un film de Rohmer. Alors que l’orchestre de chauffe doucement et que les bois et le clavecin gagnent en chaleur tout au long de la production, le tonnerre baroque prend la forme de cotillons, tandis que les nymphes couleur vert et eau s’attendent au delà de la scène pour s’allonger et jouir de la vie. Orphée arrive, couleur ocre et terre, il est heureux de rentrer et le public ravi de découvrir le timbre suave du tout jeune Tomasz Jumiega. Mais le malheur frappe aussi les demi-dieux et une messagère éplorée (extraordinaire Emanuela Pascu) annonce la mort d’Eurydice, l’aimée d’Orphée.
Dans la deuxième partie, l’on quitte Rohmer pour arriver dans un univers des enfers qui ressemble à Star Trek. Hadès porte des ballons noires, les chœurs et danseurs se transforment en moires tissant le fil rouge du destin, l’orchestre ose casse le rythme, jouant de plus en plus avec les silences et l’attente du public et Orphée traverse le Léthé pour aller chercher sa belle dans un no man’s land bien arrêté. la sensualité perdure (Eurydice, interprétée par Laure Poissonnier est l’objet de toutes les convoitises) mais le destin se joue, inexorablement. Et le retournement sublime et fatal n’est pas la fin, L’Orfeo a une morale… divine, avec l’intervention du père d’Orphée, Apollon (Damien Pass) qui est l’occasion de se plonger dans une duo baryton/ténor absolument époustouflant.
Jeune, sensuelle, habité et vibrante, baroque mais jamais “baroqueuse”, cette production du Orfée de Monteverdi est une véritable réjouissance.
Durée du spectacle : 2h15 avec entracte.
visuels : (c) Les Cris de Paris