
Un Bal Masqué aux voix exceptionnelles à l’Opéra Bastille
Dans la mise en scène épurée de Gilbert, le Bal Masqué de Verdi (1859)brille par ses voix : Sondra Radvanovsky, Nina Minasyan, Varduhi Abrahamyan, côté femmes et Piero Pretti ainsi que Simone Piazzola du côté des hommes. Et au fur et à mesure que l’intensité lyrique monte on entre un peu plus dans cet opéra qui commençait comme quelque chose de très froid… A voir et à entendre jusqu’au 10 février…
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Les meilleurs alliés le gouverneur Riccardo Warwick (Piero Pretti) et Renato (Simone Piazzola) s’apprêtent à faire face à une une conjuration. Mais tandis que Riccardo sauve la vie de Renato, ce dernier tombe amoureux de la femme de son puissant ami, Amelia (Sondra Radvanovsky). Fou de colère et de douleur il se rend à un bal masqué pour trouver vengeance …
Dans des décors épurés volontairement néo-classiques (une grande salle du conseil avec des aigles, une spacieuse antre de la prophétesse Ulrica, un long couloir de salle de bal) et avec une lumière sombre, ainsi que des costumes noirs et bancs, la mise en scène de Gilbert Deflo (qu’on avait pas vue depuis 2009 à l’Opéra de Paris) laisse libre cours à la puissance de la musique, des choeurs et des voix des solistes pour créer et dénouer les tensions et nous garder captifs de l’art de Verdi pendant trois heures. Tout juste peut-on regretter la directions d’acteur trop statique sauf pour la délicieuse Nina Minasyan qui en Oscar, virevolte et est a seule à vraiment “jouer” son rôle avec une voix qui porte et saisit, notamment dans le brillant “Ah! Di che fulgor, che musiche” du troisième acte.
Mais quand c’est Sondra Radvanovsky (qui a quand même fait l’ouverture de la saison du Met’ dans Norma!) qui interprète Amalia, même dans une pause à l’ancienne, très statiquement assise sur scène les deux mains sur le cœur, on ne peut que sentir de toutes ses fibres le dilemme de l’héroïne dans le “Ecco l’orrido Campo” ou le désespoir suppliant du “Solo un detto ancora a te”. La puissance de la chanteuse marque le public qui lui communique une véritable adoration à la fin de chaque aria.
C’est donc la soprano américano-canadienne qui est la star de ce Bal Masqué, ce qui n’empêche pas d’apprécier également l’incroyable performance de Varduhi Abrahamyan en Ulrica et celle de Piero Pretti qui est un formidable Ricardo. Généreuse et jamais uniforme la direction de Bertrand de Billy et l’intensité des chœurs et orchestre de l’Opéra de Paris nous captivent dans l’avancée implacable et tragique de cette histoire de trahison ou ni la politique, ni le vaudou d’Ulrica, ni le bal ne sont vraiment le propos mais plutôt la profondeurs des sentiments. Une profondeur qui reste unifiée même dans le trouble, avec la Musique de Verdi que cette magnifique production porte aux sommets.
visuel : (c) Agathe Poupeney