
Sheila “A l’Avenir” : la chanteuse surprend et se réinvente !
Avec À l’avenir, son 28e album studio, Sheila livre un recueil de chansons graves et lumineuses, où l’intime dialogue avec le politique, la mélancolie avec la lucidité. Portée par des auteurs exigeants et des compositeurs raffinés, la chanteuse s’y dévoile sans nostalgie, ni artifice.
On la croyait figée dans les années yéyé, éternelle égérie des tubes populaires. Mais Sheila, qui a su traverser les modes sans jamais céder aux facilités, revient avec un album étonnamment contemporain. À l’avenir, loin de jouer la carte de la commémoration, s’affirme comme une œuvre actuelle, dense, subtilement orchestrée, une méditation sur l’âge, la transmission, la foi. Elle y chante la fragilité, la force, le doute et la foi dans la vie. La voix y est plus grave, plus nue, presque parlée parfois, mais toujours singulière. Il est rare, en chanson française, de voir une figure populaire de près de soixante ans de carrière se risquer à une telle sincérité. On redécouvre ici une interprète subtile, qui laisse l’émotion affleurer dans le grain d’une voix dépouillée. Si À l’avenir frappe d’abord par la beauté de ses textes, c’est qu’il est porté par des plumes exigeantes. Pierre-Yves Lebert ( Hallyday, Calogero, Daran..), Rachel Khan, intellectuelle et humaniste, Pierre-Dominique Burgaud, dont les textes pour Alain Chamfort et le Soldat Rose ont fait date, Valérie Véga (Johnny Hallyday, Juliette Greco, Gérard Lenorman, Sheila, Maurane, Florent Pagny) , Amaury Salmon, et David Verlant, tous contribuent à donner à cet album une densité littéraire rare dans la variété française. La musique, quant à elle, oscille entre pop élégante et sophistication acoustique. Aux manettes : Daran, figure du rock français et mélodiste hors pair, Elio Anthony, faiseur d’ambiances électro Davide Esposito (Florent Pagny, Grégory Lemarchal, Emmanuel Moire, Sylvie Vartan) et Éric Azhar, dont les guitares et arrangements enrichissent les titres d’un grain distinctif. L’ensemble est subtil, jamais démonstratif, et colle parfaitement à cette Sheila version 2025. Le disque s’ouvre avec « Dilemme », une chanson rock minimaliste aux accents presque bashungiens. Porté par un riff accrocheur et une ligne mélodique en claire-obscure, la voix convoque les mots dans une sorte de tension retenue. Suit « Les amoureux », ballade faussement douce qui évoque avec nostalgie la passion dévorante des amours passées, sur une rythmique basse batterie lumineuse aux accents pop folk vintage. « Racée », écrit avec Rachel Khan, est un hymne féministe d’une rare élégance, une ode à l’élégance, au courage des femmes debout. Sheila y assume son âge, son histoire. Pulsé par des beats et une basse électro-pop vrombissante signés Éric Azhar, « Courir » morceau rythmique et presque dansant est porté par une tension intérieure qui évoque l’urgence de vivre. On pense à Véronique Sanson, parfois même à Françoise Hardy, dans cette alliance de légèreté mélodique et de profondeur intime. Porté par un clavier et une orchestration de cordes luxuriante, « Nova » est une pièce contemplative, une composition diaphane signée Eric Azhar. En contrepoint, l’electro pop « Et Dieu dans tout ça » pose une question frontale, existentielle : que reste-t-il de la foi quand l’âge avance et que l’on a tout vu, tout vécu ? L’émotion monte d’un cran sur « Simone » qui rend hommage à Simone Veil avec une retenue remarquable. Jouée piano voix dans le dépouillement de son orchestration, la chanson nous touche dans la tendresse son ton. « Gossip » apporte une respiration, dans une forme d’ironie élégante. Avec ses cuivres chaleureux, le titre porte un regard amusé sur les réseaux sociaux, les faux-semblants, la société de l’image. La encore on pense à Véronique Sanson. « Les aléas », écrit dans une veine plus réaliste, évoque la part incontrôlable de nos vies, les bouleversements quotidiens la santé, le doute, l’incertitude. Un texte ciselé, magnifiquement servi par la musique de Davide Esposito. Puis arrive « À l’avenir » qui donne au disque son nom et son souffle. Cette ballade pop rock résume l’album avec ce regard tourné vers demain, cette volonté d’être encore là. Les deux derniers titres touchent au sublime. L’un des plus beaux morceaux du disque, « Une petite âme blanche », évoque la perte, le deuil, avec une pudeur bouleversante. Enfin, « En cas d’amour » clôt l’album sur une déclaration de tendresse universelle, portée par une mélodie qui reste longtemps en tête comme un souffle d’apaisement. Avec À l’avenir, Sheila réussit un pari audacieux, celui de se réinventer sans renier son passé. L’album brille par son équilibre entre modernité musicale et sincérité émotionnelle. Loin d’être un testament, ce disque est une main tendue vers demain. Sheila, fidèle à elle-même et en pleine possession de son art, rappelle qu’elle est encore et toujours l’une des voix de la chanson française.
Jean-Christophe Mary
« A l’Avenir » (New Chance)
01 Dilemme
02 Les amoureux
03 Racée
04 Courir
05 Nova
06 Et Dieu dans tout ça
07 Simone
08 Gossip
09 Les aléas
10 À l’avenir
11 Une petite âme blanche
12 En cas d’amour