Beaux-Livres
William Adjété Wilson “En noir, en blanc, en couleur” :  le récit d’un monde fragmenté !

William Adjété Wilson “En noir, en blanc, en couleur” : le récit d’un monde fragmenté !

11 June 2025 | PAR Jean-Christophe Mary

Dans “En noir, en blanc, en couleur” paru chez Gallimard, le plasticien William Adjété Wilson se dévoile dans une monographie foisonnante. Pour l’artiste franco-togolais, chaque pastel, collage ou estampe est un fragment d’identité, ancré dans une mémoire diasporique vibrante. Un livre sensible, étonnant, et profondément instructif.

Plasticien autodidacte né en 1952, William Adjété Wilson a façonné une œuvre protéiforme — figuration libre, art africain contemporain, outsider art — profondément ancrée dans ses origines franco-togolaises et béninoises  . Arrivé à Paris en 1972, il se fait connaître via les fanzines, la lithographie, puis intègre l’univers de la rue et des arts visuels collectifs avant d’explorer une palette de techniques aussi vaste que singulière. Sa participation récente à l’exposition «?Paris noir. Circulations artistiques et luttes anticoloniales, 1950-2000?» au Centre Pompidou souligne son rôle central parmi les artistes afro-descendants qui ont construit la modernité parisienne — un pont entre esthétique et engagement, mémoire et réinvention. Le livre s’ouvre sur ses pastels, appliqués avec un geste nerveux et généreux?: pigments empâtés, traits vigoureux, formes animales ou humaines suggérées par un seul trait — métaphores sensibles d’une identité en mouvement. En peinture, Wilson développe un vocabulaire figuratif mêlant narval, panthère, visage, où la mémoire ancestrale résonne dans la couleur. Les collages combinent papiers imprimés, tissus wax, photos éraillées?: calques de modèles culturels et de récits personnels se superposent, comme autant de strates identitaires. Dans ses sculptures, vieilles chaises ou bois récupérés deviennent des figures anthropomorphes, témoins de diasporas et de recompositions permanentes . Plus secrètes mais non moins essentielles, ses estampes — linogravures, lithographies — invitent à l’écriture de récits gravés, empreintes d’hybridité. Enfin, les tentures, telles L’Océan noir, déploient des motifs marins stylisés, vastes fresques textiles où le motif mythologique et la géographie se confondent. L’ouvrage remet à l’honneur un artiste majeur souvent marginalisé, et analyse sa contribution technique et symbolique dans les mouvements artistiques postcoloniaux et la figuration libre. Chaque œuvre est replacée dans son contexte, historique, familial, politique — une démarche de monographie exigeante et riche. La diversité visuelle est un appel constant au regard?: coulures, collages, motifs textiles, reliefs sculpturaux. La mise en récit fragmentée — entre analyse, anecdotes de terrain, citations de Wilson — crée un dialogue intime. Le livre se feuillette, se contemple, se relit, fascinant comme un recueil de mythologies personnelles. En noir, en blanc, en couleur restitue toute la singularité de William Adjété Wilson, passeur d’identités, bâtisseur de formes, alchimiste de matières. Bien plus qu’une monographie, c’est un manifeste visuel, un hymne à la diversité, à la mémoire, à la liberté. Un livre qui ouvre des perspectives, dessine des connexions entre histoire et création, et invite le lecteur à repenser les canons de l’art contemporain.

Jean-Christophe Mary

William Adjété Wilson. En noir, en blanc, en couleur. Gallimard (Collection Albums Beaux Livres). 

256 pages Format : Broché, collection “Album Beaux Livres” (27 × 27 cm) 

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Jean-Christophe Mary

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