
Le Silence de Bétharram : Alain Esquerre et Clémence Badault brisent tente ans de silence !
Dans un ouvrage percutant, Alain Esquerre et Clémence Badault exposent les abus perpétrés au sein de l’établissement Notre-Dame de Bétharram. Ce récit, à la fois personnel et collectif, expose le système de violences sexuelles et physiques au sein de l’institution catholique Notre-Dame de Bétharram, brisant ainsi des décennies de silence et de souffrance.
Dans Le Silence de Bétharram, Alain Esquerre, ancien élève de l’établissement catholique Notre-Dame de Bétharram, et la journaliste Clémence Badault livrent une enquête déchirante sur les violences subies par des enfants au sein de cette institution catholique des Pyrénées-Atlantiques. Publié aux éditions Michel Lafon en avril 2025, cet ouvrage s’attaque à un sujet qui, pendant des annéesest resté dans l’ombre : un système organisé de violences sexuelles et physiques commises par des membres du personnel, tant religieux que laïcs. Alain Esquerre, élève de l’établissement entre 1980 et 1985 et lui-même victime de ces abus fût l’un des premiers à briser le silence. C’est lui qui, grâce à son initiative, est parvenu à réunir plusieurs témoignages d’autres anciens élèves, donnant ainsi une voix à ceux qui, pendant des années, ont vécu dans la peur et la culpabilité. Grâce à un groupe Facebook, il a rapidement rassemblé de nombreux récits accablants, révélant l’ampleur des abus commis. À ce jour, plus de 200 plaintes ont été déposées, mettant en lumière un système de maltraitance institutionnalisé. Clémence Badault apporte elle une dimension analytique essentielle à ce récit. En tant que journaliste, elle permet de contextualiser les événements, d’en dévoiler les causes profondes et d’explorer les répercussions sociales et légales de cette affaire. Le livre donne également la parole à Hélène Perlant, fille du Premier ministre François Bayrou, qui témoigne des violences qu’elle a subies à l’âge de 14 ans lors d’un camp scout d’été organisé par la congrégation de Bétharram. Elle décrit comment, une nuit, le père Bernard Lartiguet l’a violemment agressée: « Lartiguet me saisit tout d’un coup par les cheveux, il me traîne au sol sur plusieurs mètres et me roue de coups de poing, de coups de pied sur tout le corps, surtout dans le ventre. Il pesait environ 120 kilos”. Cette agression l’a profondément marquée, au point qu’elle est restée prostrée toute la nuit, incapable de bouger ou de demander de l’aide. Hélène Perlant explique avoir gardé le silence pendant trente ans, n’en parlant à personne, pas même à ses parents :« Je suis restée trente ans dans le silence. En dehors de ça, pas une allusion, à personne. Mon père, j’ai peut-être voulu le protéger, inconsciemment, je pense, des coups politiques qu’il se prenait localement. » Elle dénonce également le climat oppressif de l’institution : « Bétharram était organisé comme une secte ou un régime totalitaire exerçant une pression psychologique sur les élèves et les enseignants, pour qu’ils se taisent. » Le livre est structuré autour de plusieurs chapitres, chacun dévoilant une facette de l’histoire tragique de Bétharram. Dans les premiers chapitres, les auteurs relatent l’atmosphère de l’institution et la manière dont les abus ont été initialement ignorés et étouffés par les autorités religieuses et éducatives. Le récit se fait particulièrement poignant lorsqu’il évoque les témoignages des victimes, racontant des faits terribles, souvent vécus dans l’isolement le plus total. Les chapitres suivants s’intéressent à l’ampleur du phénomène et aux mécanismes institutionnels qui ont permis cette « culture du silence ». L’omerta a régné pendant des décennies, protégée par l’Église et ses représentants, bien que certains membres de l’institution aient tenté, à diverses reprises, d’alerter les autorités compétentes. L’ouvrage présente également un aspect juridique, détaillant les procédures de dénonciation et les premiers pas vers la justice, souvent entravés par la force des institutions en place. Ce récit constitue un choc, non seulement par la gravité des violences révélées, mais aussi par la durée de leur dissimulation. Il bouscule profondément l’image d’une institution censée incarner la foi, la protection et l’éducation. L’ouvrage montre l’ampleur du mal fait, mais aussi la résistance des victimes, qui, après de nombreuses années de silence, trouvent la force de témoigner et de réclamer justice. Le fait que l’affaire ait pu durer aussi longtemps sans qu’aucune réaction significative n’ait été prise soulève des questions sur la responsabilité de l’Église, mais aussi sur les structures de pouvoir qui permettent à de telles situations de perdurer sans qu’aucune voix ne s’élève. Le silence de Bétharram est un ouvrage essentiel qui brise le mutisme autour d’une des plus grandes affaires de pédophilie en France. Par la force des témoignages et l’analyse rigoureuse des auteurs, il contribue à une prise de conscience collective et appelle à une vigilance accrue pour protéger les plus vulnérables. Un ouvrage à lire absolument !
Jean-Christophe Mary
Le Silence de Bétharram-Editions Michel Lafon. 256 pages