Essais
Intérieur nuit, Nicolas Demorand : la vie avec la bipolarité sans tabou !

Intérieur nuit, Nicolas Demorand : la vie avec la bipolarité sans tabou !

21 May 2025 | PAR Jean-Christophe Mary

Dans Intérieur nuit (Les Arènes), Nicolas Demorand, figure emblématique de France Inter  se livre avec une sincérité désarmante sur sa lutte contre la bipolarité. Dans cet ouvrage, il affronte sans détour la brutalité d’un trouble psychique et retrace son parcours semé d’embûches, marqué par des années d’errance médicale et de souffrances silencieuses. Un texte concis, intense, d’une rare honnêteté.

Il faut parfois un livre bref pour dire ce qui ne se dit pas. Intérieur nuit, de Nicolas Demorand, est de ceux-là. Moins de 120 pages pour une descente à pic dans les replis d’une maladie mentale, la bipolarité, que l’auteur affronte sans masque ni faux-semblant. Loin du récit victimisant, l’ouvrage se présente comme un témoignage lucide, porté par une écriture sèche, nerveuse, d’une précision clinique, presque chirurgicale. Après plus d’une décennie d’errance médicale et de traitement inefficace, Nicolas de Morand a été diagnostiqué bipolaire. Depuis huit ans, il est suivi régulièrement à l’hôpital Sainte-Anne en psychiatrie pour lui permettre tout simplement de vivre. Co-animateur de la matinale de France Inter, il mène une double existence : exposée le matin quand il travaille et cachée la journée quand il doit se soigner. Les troubles bipolaires entraîne des variations de l’humeur disproportionnée dans leur durée et leur intensité : des jours d’euphorie extrême sont suivis de phase de dépression profondes. Dès la première phrase – « Je suis un malade mental » – le ton est donné. La violence de l’aveu n’est pas là pour choquer mais pour établir un pacte de vérité. Il ne s’agit pas d’un autoportrait en souffrance, mais d’un engagement dans le dire. À l’exact opposé d’un journal intime, ce récit est un exercice de dévoilement assumé, et même revendiqué. Son témoignage, à la fois intime et universel, met en lumière les défis quotidiens liés à la santé mentale, tout en dénonçant les tabous persistants dans notre société. Loin du récit victimisant, l’ouvrage se présente comme un témoignage lucide, porté par une écriture sèche, nerveuse, d’une précision clinique, presque chirurgicale. Ces troubles sont racontés de l’intérieur, par celui qui les éprouve autant qu’il les décortique. Crises maniaques, désespoirs profonds, traitements, hôpital, psychiatres, ajustements du quotidien… Chaque séquence est notée avec une attention tendue, sans fioritures ni recherche d’effet. L’auteur ne cherche ni à attendrir ni à convaincre. Il montre. Il expose. Il fait entendre une voix intérieure, souvent malmenée par le tumulte de l’esprit, mais obstinée, résistante. L’OMS  a classé les troubles de la bipolarité parmi les dix pathologies des plus invalidantes. Un mauvais diagnostic peut avoir des conséquences tragiques : un malade sur deux fait une tentative de suicide dans la douleur peut être insupportable. La maladie toucherait entre 650 000 et 1 600 000 personnes en France, selon les formes de bipolarité. Mais grâce à un suivi régulier et à une prise de médicament quotidienne, Ces troubles peuvent être maîtrisé. Ce qu’on lit ici, c’est aussi un récit sur l’endurance. Celle du corps, de l’âme, de l’environnement familial. Nicolas Demorand évoque les siens, ses proches, ses enfants, ses amis avec pudeur, mais sans les effacer. Leur présence, en creux, rappelle combien les maladies psychiques ne sont jamais des solitudes pures, mais des fardeaux partagés. Et combien le regard social, encore lourd de suspicion ou d’ignorance, complique tout. Dans un paysage éditorial où abondent les récits de soi, Intérieur nuit se distingue par sa rigueur et sa densité. Il ne cherche pas à « faire littérature », il cherche à dire vrai. C’est là sa force. C’est là aussi, peut-être, sa beauté.

Jean-Christophe Mary

Nicolas Demorand, Intérieur nuit, Les Arènes, 112 pages, 18 €. 

 

 

 

 

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