
Dans Journal d’une invasion, Andreï Kourkov décrit la guerre au quotidien
Andreï Kourkov, l’auteur des romans, Le Pingouin, les Abeilles grises, publie son journal intime sur la période allant de décembre 2021 à juillet 2022. Il s’agit de réflexions personnelles sur sa famille et son pays plongés dans les tourments de la guerre.
Le surgissement de l’impensable
«Le 24 février, nous avons été réveillés à 5 heures du matin par le fracas des explosions. Elles resteront toujours gravées dans ma mémoire ». Le journal débute fin décembre 2021. Andreï Kourkov nous parle des fêtes de fin d’années, des vicissitudes de la vie politique, des discussions sur la possibilité d’une guerre, des livraisons d’armes. Mais Kiev, Kyiv en ukrainien, reste imperturbable, sans aucune panique de la population. L’arrivée fracassante de la guerre est stupéfiante, sidérante. L’auteur décrit les réfugiés jetés sur les routes, les trains pris d’assaut sans billet, les scènes apocalyptiques comme les naissances dans le métro ou le bombardement d’une boulangerie. Réfugies à l’extrême ouest du pays, au pied des Carpates, l’auteur et sa famille retrouvent un peu de calme. Mais les nuits restent courtes, la colère, la haine sont là. Andreï Kourkov a perdu son humour, les larmes lui viennent souvent aux yeux. L’horreur s’est infiltrée dans le corps et l’esprit des Ukrainiens. L’enfer s’appelle Marioupol ou Boutcha. Mais les jours passant, l’Ukraine tient bon grâce à la solidarité et au courage de son peuple. C’est comme «l’écho des Cosaques du 16? siècle quand la liberté valait plus que l’or».
Le combat existentiel de l’Ukraine
Andreï Kourkov n’arrive à écrire que sur la guerre, sur ce qui se passe en ce moment. Le journal d’une invasion est à la fois un journal intime, souvent émouvant, et un livre de réflexion sur le conflit avec la Russie. Il est écrit en anglais. L’auteur nous parle de l’amour de la liberté des Ukrainiens, de leur volonté d’indépendance. Il explique le caractère fallacieux de la question linguistique en Ukraine. Les villes les plus bombardées par les Russes sont russophones. Il éclaire le lecteur sur l’histoire de l’Ukraine et celle de la Russie dans le chapitre « Jusqu’où porte l’ombre du passé?? ». Avec l’oubli du Goulag, avec sa mémoire formatée, la Russie reste otage de son passé stalinien. Cette amnésie promue par l’État pourrait expliquer l’acceptation de la guerre. Une guerre déclenchée par la volonté d’un Poutine vieillissant, de restaurer le territoire de l’empire russe. Une guerre existentielle pour l’Ukraine: L’Ukraine sera libre, indépendante, européenne ou n’existera plus. Pour qu’elle existe, il faut aussi préserver sa culture. Une culture menacée par la guerre, mais qui a été indépendante, libre de censure depuis trente ans. Car « la culture est l’armature invisible de l’âme humaine ».
Le journal d’Andreï Kourkov décrit le quotidien dans la guerre des civils ukrainiens. Ce texte renforce la proximité, l’empathie du lecteur pour le peuple ukrainien. Et suscite l’admiration pour son courage!
Andreï Kourkov, Journal d’une invasion, traduit de l’anglais par Johann Bihr, Les éditions Noir sur Blanc, 256 pages, 22 Euros, sortie le 16 O3 2023.
Visuel:© Les éditions Noir sur Blanc, couverture du livre