
Médée poème enragé
Se glisser dans Médée – l’infanticide amoureuse -, comme dans un rêve musical pour raconter l’exil : intérieur, géographique. Faire d’elle une étrangère à son pays, fuyant l’asphyxie familiale dans la fusion charnelle avec le frère, puis dans l’éblouissement physique de la rencontre avec Jason, le ravisseur, instrument du meurtre du père.
Dire la béance du voyage, le fantasme de désintégration, puis d’intégration au nouveau Monde. Raconter l’amour sans morale, sans bornes, rédempteur, mortifère, désespéré.
Raconter le désenchantement, l’abandon, la solitude, le lieu commun, inhumain de l’exotisme ; le refus de se soumettre à l’injonction de la place assignée, à la fatalité de la trahison.
Raconter le soulèvement et les meurtres (qui ne sont ici que la forme inversée de la passion).
Ramener Médée, vidée de son amour, orpheline de ses enfants, à la terre originelle où, étrangère à perpétuité,
elle rejoint l’ombre des parents.
Jean-René Lemoine