
Femme non rééducable
Cela va bientôt faire dix ans que la journaliste russe Anna Politkovskaïa a été assassinée. Avec Femme non-rééducable, l’italien Stefano Massini lui consacre une pièce mémorandum à travers laquelle émergent ses engagements et son drame. Subtilement mis en scène par Arnaud Meunier, directeur de la Comédie de Saint-Étienne, le texte a des accents poignants de témoignage. Il réveille le souvenir du combat mené par Anna Politkovskaïa, notamment pour dénoncer les atrocités commises en Tchétchénie par le gouvernement russe. Pour autant, la journaliste n’est pas dépeinte comme une héroïne martyre, mais plutôt comme une femme ordinaire. Elle est incarnée par Anne Alvaro, l’interprète idéale pour ce rôle car, selon Arnaud Meunier, « elle sait faire vibrer ses questionnements tout en se gardant d’un pathos qui n’aurait pas sa place dans cette partition que je veux sensible mais pas écrasante ». Découverte par le grand public au cinéma dans Le Goût des autres, d’Agnès Jaoui, Anne Alvaro privilégie cependant les planches. Elle a joué avec les plus grands metteurs en scène, comme Alain Françon et Georges Lavaudant. Face à elle, Régis Royer donne vie aux figures masculines qui se succèdent au fil du récit. Tous deux sont accompagnés par le musicien Régis Huby, dont les créations sonores envoûtantes prolongent le texte. Pour la scénographie, Nicolas Marie a imaginé des éclats de verre formant au sol l’écho silencieux de la violence qui secoue le monde. Car, au-delà du témoignage, Femme non-rééducable invite à un questionnement collectif sur nos résignations – petites ou grandes – et leurs conséquences.