![[Arras Film Festival] « The fool » : en Russie, le combat de l’homme seul](https://toutelaculture.com/wp-content/uploads/2014/11/The-fool-670x377.jpg)
[Arras Film Festival] « The fool » : en Russie, le combat de l’homme seul
Ce film de Youri Bykov, lauréat de trois prix au Arras Film Festival, traite, une fois n’est pas coutume de la corruption dans les villes de province russes. Mais cette fois, il fait une entorse à l’âme ancestrale du pays, et donne sa chance à l’homme bon qui se bat tout seul. Il atteint au lyrique désespéré, grâce à ses remarquables interprètes et à sa mise en scène. Sans sacrifier l’humain.
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Il était une fois un immeuble traversé, de bas en haut, par une fissure sur sa façade extérieure. Un décor de conte ? Oui. Mais ce conte est moderne, et russe. Cette fissure, Dimitri, jeune élève plombier, l’a remarquée. Cet immeuble, il l’a étudié. Et cette nuit, il sait qu’il va s’effondrer dans les vingt-quatre heures. Tuant 820 personnes. Ni une ni deux, il se précipite à l’anniversaire de Nina Galaganova, maire de la ville…
« Pourquoi tu ne veux pas laisser tomber cette histoire d’immeuble ? » questionnent tout du long les interlocuteurs de Dimitri. « Il y a des gens dedans », répond-t-il. Ce film donne à voir le destin des russes maudits, hauts fonctionnaires comme pauvres et drogués habitant l’immeuble… Notre héros, lui, s’accroche à une idée. A la vie elle-même ? Sa détermination de roc se heurte aux autres : on ne la voit que d’autant plus. Et, jusqu’à la dernière seconde, Youri Bykov nous permet de croire qu’elle pourrait emporter le morceau…
L’arrière-plan du film n’est pas nouveau : Andrei Zviaguintsev traitait le même sujet dans Leviathan. Mais la mise en scène marque : unité de temps, problèmes observés de façon quasi scientifique, temporalité déliée, visages scrutés… Jean-Jacques Bernard parlait, à la délibération des critiques, de quasi « théâtralité ». Tout est méticuleusement pensé. On réfléchit, nous aussi. Mais on s’attache également à ces personnages, même les plus odieux. Fedorotov, par exemple, vieil architecte grincheux joué par Boris Nevzorov, capable au final d’un geste de bonté. Ou le collaborateur de Nina, colosse individualiste qui a ses raisons. Dans les deux rôles principaux, Artiom Bystrov (Dimitri) et Natalia Sourkova (Mme le maire) font merveille.
Le film en reste trop au niveau du constat. Pour la fin, on eût préféré que cet homme seul gagne, même en idée. Il pouvait. A l’issue du Festival, ce film a obtenu trois prix. Celui de la Mise en scène, du Public, et le Prix Regards Jeunes. Il a reçu donc un total de 12 000 euros, et sortira bientôt en France. Espérons qu’auréolé de ce succès, son réalisateur osera nous proposer, la prochaine fois, une oeuvre aussi maîtrisée, mais qui saura porter le courage de la résistance humaine jusqu’à la transfiguration. Et se permettre un peu plus d’inattendu, aussi…
The fool, un film de Youri Bykov. Avec Artiom Bystrov, Natalia Sourkova, Boris Nevzorov, Dmitri Koulitchkov. Drame russe. Durée : 1h56.
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